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Au Brésil, des menaces de mort sont proférées contre le dirigeant social João Pedro Stedile

Communiqué du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST)

vendredi 13 mars 2015   |   Mémoire des luttes
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Circule sur les réseaux sociaux d’Internet un appel qui réclame « Stedile mort ou vivant ». En le présentant comme le dirigeant du MST et un « ennemi de la patrie », l’auteur de ce message offre une récompense de 10 000 reais à qui y répondra. Autrement dit, cet appel incite, moyennant rétribution, au meurtre de João Pedro Stedile, membre de la coordination nationale du MST.

On peut trouver le texte original de cette action délictuelle sur la page personnelle Facebook de Paulo Mendonça (Rio de Janeiro). Ce message a été immédiatement repris par la majorité des réseaux sociaux qui, jour après jour, distillent de la haine contre les mouvements populaires, les immigrés, les soutiens du Parti des travailleurs (PT) et la présidente Dilma Rousseff. Ce sont les mêmes réseaux sociaux qui dans leur grande majorité appellent la population à se mobiliser le 15 mars pour exiger que Dilma quitte les fonctions pour lesquelles elle a été légitimement élue en 2014.

Des dispositions ont déjà été prises avec les autorités compétentes pour que l’auteur du message, ainsi que tous ceux qui contribuent à sa circulation, fassent l’objet d’enquêtes appropriées et soient traduits devant la justice en tant que responsables du délit d’incitation au meurtre.

Mais cette menace sur Stedile ne fait que refléter la stratégie plus large d’une partie de l’élite brésilienne consistant à promouvoir une vague de violence et de haine dans notre pays afin de déstabiliser le gouvernement. De la sorte, elle espère reprendre le pouvoir dont elle a été durablement écartée par les urnes après la première victoire du PT en 2002.

Pour ces secteurs, il n’y a pas de limites. Ils refusent d’accepter la volonté du peuple exprimée dans un processus démocratique qui lui permet d’élire ses gouvernants.

Ils cèdent aux pulsions « putschistes » avec le soutien et la complicité des moyens de communication conservateurs et anti-démocratiques. Ils utilisent la rhétorique de la lutte contre la corruption et un discours exigeant l’élimination de ceux qui, d’après eux, sont en train de détruire le pays pour flirter avec la rupture démocratique. Ils se disent démocrates et oublient que les gouvernements de la dictature militaire se déclaraient également démocratiques.

Ce sont les mêmes qui, impunément, ont commis le crime de « lèse-patrie » avec leur politique de privatisations des années 1990.

Tout ce que l’on voit dans les rues et sur les réseaux sociaux est principalement la conséquence de la manipulation exercée par des moyens de communication partisans qui déforment et occultent des informations tout en promouvant la haine et les préjugés à l’encontre de ceux qui pensent autrement. Le théologien Leonardo Boff a raison quand il pointe la responsabilité des moyens de communication conservateurs et putschistes – qui n’ont jamais respecté le gouvernement populaire – dans la crise politique du pays. Courageusement, il nomme les promoteurs du chaos : O Globo, TV Globo, Folha de Sao Paulo, Estado de Sao Paulo, ainsi que la perverse et mensongère revue Veja.

Ce pouvoir médiatique a la capacité de dominer les partis et les institutions républicaines.

Ces moyens de communication, dépourvus d’éthique et de responsabilité sociale, contribuent à développer chez leurs lecteurs la même mentalité que celle de l’auteur du criminel appel contre Stedile. Ils nourrissent les réseaux sociaux des valeurs les plus antisociales et les plus inciviques.

Les « tucanos » [1], en trahissant leur origine social-démocrate, s’opposent au gouvernement et contribuent aussi à alimenter une haine collective jusque là limitée à la classe dominante. Par leur action, cette haine s’élargie actuellement à tous les segments de la société, contre un parti politique et la présidente élue. Ils pensent pouvoir bénéficier du chaos qu’ils organisent actuellement, mais cette politique vile ne devrait que les rendre honteux.

Avec cette manière de s’opposer au gouvernement du PT et avec l’appui des moyens de communication, les « tucanos » sont en train de créer un monstre. La violence et la haine deviennent une constante dans les rues. La créature a déjà désigné ses premières victimes : les couples homosexuels et leurs enfants, les immigrés, les pauvres des banlieues, les dirigeants des mouvements populaires et les militants de gauche. Mais souvent ces créatures, toujours affamées de violence et d’intolérance, dévorent leurs créateurs et ceux qui les soutiennent.

Il faudra parcourir un long chemin avant de surmonter les difficultés créées par ceux qui s’opposent à la construction d’un pays socialement juste, démocratique et égalitaire.

Nous devons commencer par la mise en place d’une réforme politique profonde qui conduise à l’élection d’une nouvelle assemblée nationale constituante, exclusive et souveraine. Il est nécessaire de taxer les grandes fortunes et d’affronter le pouvoir des rentiers, ainsi que le système financier. Ces batailles sont aussi urgentes et nécessaires que celle consistant à relever le défi de la démocratisation du système médiatique afin de garantir la liberté d’expression et le droit à l’information, droits bloqués par le monopole privé de la communication qui existe dans le pays.

C’est seulement ainsi que les nostalgiques des gouvernements dictatoriaux seront vaincus et que le peuple prendra conscience que pour défendre le pays, il faut lutter pour la démocratie et non le contraire, comme le pense l’auteur de l’appel criminel.

São Paulo, le 12 mars 2015.

Traduction et édition : Mémoire des luttes

Illustration : Ninja Midia




[1Il s’agit d’une référence aux dirigeants du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB, centre droit).



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