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DSK : quand la réalité rejoint la fiction

jeudi 19 mai 2011   |   Maurice Ronai
Lecture .

L’affaire DSK ? Comme un goût de déjà-vu. Les séries télé et les films hollywoodiens regorgent d’histoire du même cru... Maurice Ronai, co-auteur des documentaires « Mr President » et « Hollywood-pentagone », fait le rapprochement entre la fiction et l’histoire vraie, et se souvient de la série préférée de DSK, « A la Maison Blanche ».

Ce dimanche matin, je suis passé par tous les sentiments : stupeur, incrédulité, compassion, incompréhension.

En voyant les premières images, comme tout le monde, j’ai pensé irrésistiblement à une fiction hollywoodienne. Le scénario de la chute (le héros échoue alors qu’il est en passe d’atteindre le sommet). Celui de de la manipulation. Celui de la machine judiciaire aveugle.

Je pressentais, ce dimanche matin, que DSK était embarqué dans un long feuilleton, qui risquait de l’entraîner bien loin des palais présidentiels. Cette affaire (quelle qu’en soit l’issue) finira par inspirer un film. Depuis la Conquête, le cinéma français s’autorise désormais à docu-fictionnaliser des hommes politiques vivants et des épisodes récents de la vie politique.

Le souvenir m’est revenu que The West Wing/A la Maison Blanche était la série préférée de DSK. Le couple DSK- Sinclair avait dévoré la série en DVD. Professeur d’économie, DSK avait dû s’identifier au Président Bartlet, Prix Nobel d’économie.

Un scénario hollywoodien ?

Assez rapidement, les commentateurs évoquent, à propos de l’affaire DSK, un « scénario de thriller hollywoodien ». Si les scénaristes hollywoodiens n’ont pas hésité, au cours des années 90, à mettre en fiction les frasques sexuelles des présidents et des hommes politiques, il ne s’agissait cependant que d’adultère : pas de viol.

Dave (1993) : le film s’ouvre sur une attaque cardiaque du Président des Etats-Unis en exercice : cette attaque cardiaque est intervenue suite à un rapport sexuel avec sa maîtresse ( Nelson Rockefeller connut un accident cardiaque mortel dans des circonstances comparables, avec sa jeune assistante)

Primary Colors (Mike Nichols,1998) met en scène un personnage directement inspiré de Bill Clinton : en pleine campagne des primaires, les enquêteurs chargés d’anticiper les éventuels coups bas des adversaires du gouverneur Stanton (John Travolta), apprennent qu’une adolescente prétend être enceinte du candidat. Finalement, des tests sanguins établissent que Stanton n’est pas le père.

Wag the Dog (Barry Levinson, 1997) a comme point de départ un Président empêtré dans un scandale sexuel : pour faire diversion, il déclenche une fausse guerre-éclair contre l’Albanie.

Deux exceptions notables cependant. En 1997, Clint Eastwood, était allé assez loin en imaginant, dans Les Pleins Pouvoirs (Absolute Power) un Président des Etats-Unis, ivre et sadique (Gene Hackman), impliqué dans le quasi-meurtre de sa maîtresse (pour se défendre du Président, elle s’empare d’un coupe-papier et est abattue par deux agents du Secret Service).

Ce thème avait déjà été esquissé par Roger Donaldson, dix ans plus tôt, en 1987 dans Sens Unique (No Way out) : on y voyait un Secrétaire à la Défense (Gene Hackman, encore lui) qui tuait accidentellement sa maîtresse.

SPECIAL VICTIM UNIT

Lundi matin parviennent les premières images de DSK, défait, mal rasé, encadré par deux policiers. Il a été interrogé toute la nuit dans le commissariat de Harlem, au nord de Manhattan, par la Special Victims Unit (SVU), qui gère les cas d’agressions sexuelles. Avec la SVU, on bascule dans la série policière.

La Special Victims Unit de New York a accédé a la notoriété aux Etats Unis grâce à une série télévisée sur NBC : Law & order : Special Victims Unit (SVU). Cette série en est à sa treizième saison, avec 272 épisodes. C’est une déclinaison (une spin-off) de la série Law & Order (connue en France sous le titre New York, police judiciaire), qui avait démarré en 1990 (20 saisons, 456 épisodes, de 1990 à 2010).

Contrairement à la série New York, police judiciaire, qui met en scène des détectives et les assistants du procureur, les premiers sur le terrain, les autres devant les tribunaux), les épisodes de Special Victims Unit (connue en France sous le titre New York Unité spéciale ), ne débouchent pas nécessairement sur un procès. Ils sont, en revanche, souvent inspirés de faits divers réels.

Le texte suivant apparaît avant chaque épisode. : « Dans le système judiciaire, les crimes sexuels sont considérés comme particulièrement monstrueux. À New York, les inspecteurs qui enquêtent sur ces crimes sont membres d’une unité d’élite appelée Unité spéciale pour les victimes. Voici leurs histoires. »

Hasard troublant : le personnage du procureur Arthur Branch est interprété par Fred Thompson, qui mena en parallèle une carrière d’acteur tout en étant sénateur de 1994 à 2003.Fred Thompson a même été brièvement candidat aux primaires républicaines en 2007, avant de se retirer au profit de John McCain.

PLUS DURE SERA LA CHUTE

Puis vinrent les images de la salle d’audience. Plusieurs caméras. Des gros plans. Les images sont d’une grande qualité. Debout, avec une barbe de deux jours, sans cravate. Hagard. DSK a l’air absent.

Sonné, comme un boxeur. (Le lendemain, Libération et Le Parisien titreront « K.O. » et « K.O. debout »). Plus dure sera la chute : ce titre de film m’est immédiatement venu à l’esprit. Toro Moreno, le boxeur de The Harder They Fall ( Mark Robson 1956) n’a pourtant rien a voir avec le directeur général du FMI. C’est un boxeur naïf et pataud qui écrase ses adversaires. Il remporte match sur match, mais ignore que les matchs sont truqués. Jusqu’au match de trop.

RÉEL, TROP RÉEL

Avec les images du tribunal, on change de registre. Nous ne sommes plus dans la fiction. Et les images qui surgissent sont celles de Justice à Vegas, la série documentaire produite par Jean-Xavier Lestrade sur la justice américaine.

Retrouvez Maurice Ronai sur son blog et sur Mister President.

Article publié sur le site de Marianne :
http://www.marianne2.fr/DSK-quand-la-realite-rejoint-la-fiction_a206327.html





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