Initiatives

Dépasser l’altermondialisme "maintenu"

lundi 2 mars 2009   |   Bernard Cassen
Lecture .

Le FSM de Belem a plus que confirmé l’analyse de celles et ceux qui considèrent que sa formule actuelle, comme celle des FSE, est arrivée à son terme et qu’il faut dépasser l’altermondialisme "maintenu". Ce que certains d’entre nous ont appelé le post-altermondialisme.

On pourra se féliciter des chiffres (plus de 130 000 personnes) mais qu’est-ce que cela prouve ? Uniquement que des Brésiliens, et en majorité des jeunes, sont venus en masse. Ils représentaient 90 à 95 % des participants. C’est très bien, et cela confirme que les FSM ont essentiellement une vertu : mobiliser et sensibiliser localement et nationalement. Ce que ne font pas tous les FSE (voir Londres et Malmö) De ce point de vue, on peut se réjouir que Belem ait permis de mettre en avant internationalement les enjeux de la préservation de l’Amazonie et des luttes des peuples indigènes du bassin amazonien.
On dira que ce FSM a également permis des rencontres de réseaux, des contacts, une récapitulation des rendez-vous militants, etc. Mais est-il besoin de faire 10 000 km pour cela ?

Pour le reste, on trouvera, ci-dessous, la traduction d’extraits d’un texte d’Emir Sader, secrétaire général de CLACSO, dont vous trouverez la version complète en espagnol sur le site de Mémoire des luttes (Balance del Foro de Bélem y de otro mundo posible)

 


Un bilan du FSM ne peut être fait uniquement par rapport à lui-même. Le FSM n’a pas été créé comme une fin en soi, mais comme un instrument de lutte pour la construction d’un "autre monde possible" ? En ce sens, quel est le bilan ?

(...)

Deux photos sont significatives des dilemmes du FSM : l’une, celle des cinq présidents qui sont venus au Forum - Evo, Rafael Correa, Hugo Chavez, Lugo et Lula - debout, les bras levés ; l’autre, celle, froide et bureaucratique, des représentants des ONG brésiliennes dans la conférence au cours de laquelle ils annoncent le FSM.

Sur la première : des gouvernements qui, à des niveaux divers, mettent en pratique des politiques identifiées, dès sa naissance, au Forum : l’ALBA ; la Banque du Sud ; la priorité aux politiques sociales ; la régulation de la circulation du capital financier ; l’Opération Miracle ; les campagnes qui ont permis d’en finir avec l’analphabétisme au Venezuela et en Bolivie ; la formation des premières générations de médecins pauvres sur le continent ; les Ecoles latino-américaines de médecine ; l’UNASUR ; le Conseil de défense sud-américain ; le gasoduc continental ; Telesur, etc. Le nouveau visage victorieux du FSM, celui des avancées dans la construction du post-néolibéralisme en Amérique latine.

Sur l’autre photo : les ONG, entités dont la nature est fortement sujette à caution en raison de l’ambiguïté de leur caractère "non -gouvernemental", de leurs financements pas toujours transparents, de leurs mécanismes de recrutement et de sélection de leurs dirigeants. Au point que, en Bolivie et au Venezuela, entre autres, les ONG se retrouvent majoritairement dans l’opposition de droite aux gouvernements. Leur propre comportement, dans l’espace qu’elles définissent comme la "société civile", ne fait que renforcer ces ambiguïtés. Des entités qui jouèrent un rôle important au début du FSM, mais qui ont monopolisé sa direction en se constituant, de manière non démocratique, en majorité au sein du secrétariat d’origine, mettent en minorité les mouvements sociaux très représentatifs, comme la CUT et le MST.

(...)

Qu’est-ce que le FSM a à dire et à proposer comme alternatives à la crise économique globale et face aux épicentre de guerre : Palestine, Irak, Afghanistan, Colombie ? Quelles propositions pour construire un modèle de dépassement du néolibéralisme et comme alternatives politiques et de paix aux conflits. La réponse est un grand silence.


Ceux qui pensent que l’objectif du FSM est d’échanger des expériences doivent être satisfaits. Pour ceux qui vinrent à Belem angoissés par la nécessité de donner des réponses urgentes aux grands problèmes que le monde doit affronter, il ne reste que la frustration, le sentiment que la forme actuelle du FSM est épuisée. Si le FSM ne veut pas se diluer dans l’insignifiance, il faut qu’il change de nature et que les mouvements sociaux en prennent la direction.


Le FSM ne s’est pas mis à la hauteur de la construction d’alternatives auxquelles des gouvernements latino-américains sont confrontés ni à celle de la lutte menée par d’autres forces pour passer de la résistance à la conquête de l’hégémonie".


 

A mes yeux, l’événement de loin le plus riche de promesses pour l’avenir du FSM a été le dialogue entre, d’un côté, les présidents Chavez, Correa, Lugo et Morales et, de l’autre, les mouvements sociaux latino-américains. Et surtout la convergence de leurs objectifs.





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