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Forum social mondial (FSM) 2009 à Belém : premières réflexions autour du bilan

lundi 2 mars 2009   |   Christophe Ventura
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Le Forum social mondial 2009 fut, à n’en pas douter, un succès quantitatif. Avec plus de 140 pays représentés et près de 135 000 personnes inscrites, cette édition est celle qui a réuni le plus de monde dans l’histoire des Forums. Il convient toutefois de mentionner que plus de 90 % des participants étaient brésiliens et que la participation numérique internationale était relativement faible par rapport aux éditions précédentes. Ce FSM est également celui qui a nécessité le plus de moyens financiers de la part des organisateurs…et des participants.

Près de 6 000 organisations et réseaux ont proposé plus de 2 000 activités (dont 500 par des entités européennes) et la présence des peuples indigènes et des jeunes était importante. Des forums thématiques (autorités locales, autorités locales d’Amazonie, science et démocratie, Forum Panamazonien, théologie de la libération) se sont également déroulés pendant ces journées.

Le FSM fut extrêmement chaotique du point de vue de l’organisation et son programme n’a pas permis de valoriser, pendant son déroulement, des thématiques ou des campagnes prioritaires. Cela a été préjudiciable pour « l’extérieur » car, alors qu’il se tenait en pleine explosion de la crise du capitalisme, il a donné l’impression de traiter tous les sujets sur le même plan.

De ce point de vue, le FSM avait l’aspect - cette fois-ci comme toutes les autres -, et largement la fonction, de « Foire » de l’altermondialisme. Parmi ses apports positifs, il faut souligner le fait qu’il confirme, sur le plan des analyses, l’affirmation d’articulations inédites entre la question environnementale et sociale. On peut également mentionner deux autres points. Tout d’abord, en son sein, des réseaux - principalement d’ONG et de syndicats – se sont articulés sur des agendas communs de mobilisations, notamment autour de la tenue du G 20 le 2 avril à Londres. Il faudra néanmoins en évaluer la concrétisation dans les mobilisations lors de la journée internationale du 28 mars (voir annexe). Ensuite, et c’est une grande nouveauté, ce FSM a marqué une évolution dans l’approche du mouvement altermondialiste quant à sa relation avec la sphère politique. L’invitation des présidents progressistes d’Amérique latine pendant le FSM le 29 janvier (http://www.medelu.org/) par les mouvements de luttes sociales réelles d’Amérique latine (en premier lieu le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) du Brésil et la Via Campesina) a constitué un des principaux événements politiques de ce Forum.

Le fait que cette journée se soit tenue est très important du point de vue de l’évolution du débat qui a lieu, au sein du processus du FSM, entre ceux qui défendent l’idée d’un « altermondialisme maintenu » ( le FSM comme espace d’échanges d’expériences et de débats entre mouvements de la « société civile ») et ceux qui prônent l’idée d’une « altermondialisme étendu » à la question de l’articulation au politique et aux expériences de transformations concrètes en cours, notamment en Amérique latine (ou ce que certains d’entre nous ont appelé post-altermondialisme).

Ce débat devrait désormais se poursuivre pour déboucher sur de nouveaux développements car les questions restent ouvertes sur l’avenir des Forums sociaux. En effet, un bilan quantitatif et limité aux évolutions du « Forum pour soi » est-il suffisant ? Non, car la question est de savoir comment donner à ce processus un rôle actif et concret pour changer le système, alors que ce dernier connaît une crise économique, sociale et idéologique majeure, et que rien n’indique qu’une issue politique progressiste et conforme à nos aspirations et valeurs se profile à l’échelle internationale.

Ainsi, la mise en place de nouveaux espaces, liés au processus des Forums, dans lesquels faciliter la constitution de lignes d’action plus avancées pour des composantes du mouvement altermondialiste, des forces politiques et des actions de gouvernement menant un combat commun doit être un développement envisagé. En effet, les défis sont nombreux, le besoin de réponses est urgent et, pour la première fois depuis dix ans, des points d’appuis concrets existent.

Un FSM composé de plusieurs événements sur les différents continents pourrait se tenir en 2010. C’est en 2011 qu’un nouveau rassemblement unique se déroulera, probablement en Afrique.

D’ici là, le « mouvement des mouvements » a le devoir de mener cette réflexion. Car, comme l’a justement rappelé François Houtart, membre du Conseil international du FSM, « nous ne pouvons pas continuer à danser sur le Titanic ».


Annexes

- L’ensemble des appels issus du FSM 2009 sont disponibles en plusieurs langues à l’adresse : http://www.fsm2009amazonia.org.br/programacao/6o-dia/resultados-das-assembleias

- Appel à la mobilisation de la journée internationale du 28 mars : http://www.fsm2009amazonia.org.br/programacao/6o-dia/resultados-das-assembleias/appel-soumis-a-la-signature-des-associations-syndicats-et-mouvements-sociaux/

Appel soumis à la signature des associations, syndicats et mouvements sociaux

Pour un nouveau système économique et social Mettons la finance à sa place !

La crise financière est une crise systémique qui s’inscrit dans le contexte de crises globales multiples (climatique, alimentaire, énergétique, sociale…) et d’un nouvel équilibre des puissances. Cette crise résulte de trente ans de transferts des revenus du travail vers le capital, tendance qu’il faut inverser. Elle est la conséquence d’un système de production capitaliste fondé sur le laissez-faire et qui se nourrit de l’accumulation des profits à court terme par une minorité, des déséquilibres financiers internationaux, de la répartition inégale des richesses, d’un système commercial injuste, de la perpétration et l’accumulation de dettes irresponsables et illégitimes, du pillage des ressources naturelles et de la privatisation des services publics. Cette crise frappe l’humanité dans son ensemble, à commencer par les plus vulnérables (les travailleurs, les chômeurs, les paysans, les migrants, les femmes…) et les pays du Sud, qui sont victimes d’une crise dont ils ne sont en rien responsables.

Les moyens utilisés pour sortir de la crise se limitent à socialiser les pertes en vue de sauver, sans réelle contrepartie, le système financier à l’origine du cataclysme actuel. Où sont les moyens pour les populations qui sont victimes de la crise ? Le monde n’a pas seulement besoin de régulations, mais d’un nouveau paradigme qui ramène la sphère financière au service d’un nouveau système démocratique fondé sur la satisfaction de tous les droits humains, le travail décent, la souveraineté alimentaire, le respect de l’environnement, la diversité culturelle, l’économie sociale et solidaire et une nouvelle conception de la richesse. C’est pourquoi nous demandons de :

  • Mettre les Nations unies, réformées et démocratisées, au cœur de la réforme du système financier, car le G20 n’est pas un forum légitime pour apporter les réponses adéquates à cette crise systémique.
  • Etablir des mécanismes internationaux, permanents et contraignants, de contrôle des mouvements de capitaux.
  • Mettre en œuvre un système monétaire international fondé sur un nouveau système de réserve et incluant la création de monnaies de réserve régionales, afin d’en finir avec la suprématie du dollar et d’assurer la stabilité financière internationale.
  • Mettre en œuvre un mécanisme global de contrôle public et citoyen des banques et des institutions financières. L’intermédiation financière doit être reconnue comme un service public garanti à tous les citoyens du monde et doit être sortie des accords de libre échange.
  • Interdire les fonds spéculatifs et les marchés de gré à gré, sur lesquels sont échangés les produits dérivés et autres produits toxiques hors de tout contrôle public.
  • Eradiquer la spéculation sur les matières premières, à commencer par les produits alimentaires et énergétiques, par la mise en œuvre de mécanismes publics de stabilisation des prix.
  • Démanteler les paradis fiscaux, sanctionner leurs utilisateurs (individus, compagnies, banques et intermédiaires financiers) et créer une organisation fiscale internationale chargée d’enrayer la concurrence et l’évasion fiscales.
  • Annuler la dette insoutenable et illégitime et établir un système responsable, démocratique et juste de financement souverain au service du développement durable et équitable.
  • Etablir un nouveau système international de répartition des richesses par la mise en œuvre d’une fiscalité plus progressive au niveau national et par la création de taxes globales (sur les transactions financières, sur les activités polluantes et sur les grosses fortunes) pour financer les biens publics mondiaux.

Nous appelons les associations, les syndicats et les mouvements sociaux à converger pour créer un rapport de force citoyen en faveur de ce nouveau modèle. Nous les appelons à multiplier les mobilisations partout dans le monde, notamment face au G20, dès le 28 mars 2009.

Signatures des organisations à envoyer à finance@eurodad.org ou http://www.choike.org/gcrisis

(nom de l’organisation, pays, contact email).





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