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Grand silence sur le G192

lundi 25 mai 2009   |   Bernard Cassen
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Une bataille politique est engagée pour déterminer quelle est l’instance internationale ayant la légitimité de formuler des réponses à la crise globale : le G20 ou le G192, c’est-à-dire l’ensemble des États membres de l’ONU ? Le G20 est une simple extension du G8 à une douzaine de pays dits émergents, dont le Brésil, la Chine et l’Inde, cooptés pour entrer dans le saint des saints des puissants. Ses déclarations finales portent la marque de cette filiation : des flots d’eau tiède et aucune remise en cause des « fondamentaux » du néolibéralisme, ceux-là mêmes qui sont pourtant à la racine du séisme actuel : la liberté de circulation des capitaux et le libre-échange.

Si, ensemble, ces vingt pays représentent 90 % de la richesse mondiale, ils se sont implicitement arrogé le droit de parler au nom des 172 autres. C’est pour remettre ces derniers dans le circuit de la décision que le Père Miguel d’Escoto, Nicaraguayen, président de l’Assemblée générale de l’ONU jusqu’en septembre prochain, a désigné une commission présidée par Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie 2001, pour élaborer un rapport sur la réforme du système monétaire et financier international. Ce document, dont la première version a été rendue publique le 29 avril, doit être discuté lors d’une conférence des Nations unies convoquée à New York du 1er au 3 juin, et à laquelle sont conviés tous les chefs d’État et de gouvernement.

Le rapport Stiglitz va plus loin que le G20 dans l’analyse des causes de la crise, en particulier lorsqu’il incrimine « la disparité croissante des revenus dans la plupart des pays » et dénonce les « postulats erronés » que sont « des marchés efficients et auto-correcteurs ». Certes ses propositions ne sortent pas du cadre du libre-échange et de la liberté de circulation des capitaux, mais elles peuvent servir de tremplin à des avancées démocratiques ultérieures. C’est pourquoi s’est ourdie une conspiration du silence, aussi bien des gouvernements que des médias, pour reléguer la conférence de juin au statut de non-événement. Tout porte à croire qu’ils ne souhaitent pas cautionner par une présence visible les analyses du rapport, et surtout entendre les propositions qui seront faites à la tribune par d’autres gouvernements non membres du G 20, en particulier ceux de l’Alternative bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) qui ont annoncé leur participation.

En février dernier, Nicolas Sarkozy a confié à Joseph Stiglitz une mission de réflexion sur le changement des instruments de mesure de la croissance française. Se déplacera-t-il à NewYork pour entendre le Prix Nobel. Et que disent sur la question les partis d’opposition ?





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