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Meeting du Comité national pour un référendum - Halle Carpentier, Paris, 2 février 2008

Intervention de Bernard Cassen, président d’honneur d’Attac, s’exprimant au nom de l’association Mémoire des luttes

vendredi 22 février 2008   |   Bernard Cassen
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Sans forcer le trait, on ne peut manquer de relever le parallélisme entre les logiques mises en œuvre dans deux processus qui dominent l’actualité : d’un côté, la nouvelle crise financière internationale entraînée par l’effondrement du marché immobilier américain ; d’un autre côté, la ratification du traité de Lisbonne, clone du traité constitutionnel européen rejeté par les peuples français et néerlandais au printemps 2005.

Dans les deux cas, la fin justifiant les moyens, tout commence par une arnaque de bonimenteurs mus par leur seul intérêt (matériel ou politique) et, tout se termine par des dégâts très largement « socialisés ».

Dans le cas des « subprimes », des courtiers indélicats ont vendu à des ménages américains crédules des crédits hypothécaires dont ils savaient parfaitement qu’ils risquaient fort de ne pouvoir être remboursés, et donc qu’ils pouvaient entraîner la ruine des propriétaires expulsés de leur maison. Après avoir empoché la prime, les établissements financiers ont découpé ces crédits en tranches, et, après les avoir mélangés à d’autres produits à moindre risque, les ont « titrisés » et revendus à d’autres établissements, qui les ont eux-mêmes cédés à d’autres, etc. De proche en proche, c’est tout le système financier qui s’est retrouvé contaminé par ces titres « pourris » à une hauteur qu’il ne sait pas évaluer, mais qui s’annonce énorme. La seule Société générale a ainsi, à l’aveuglette, provisionné 2 milliards d’euros pour son exposition aux subprimes…

Dans le cas du traité de Lisbonne, un bonimenteur nommé Sarkozy a « vendu » aux électeurs, lors de sa campagne présidentielle, l’idée d’un « mini-traité » ou « traité simplifié », n’ayant rien, selon lui, à voir avec la « Constitution » rejetée en 2005, et donc ne nécessitant pas un référendum. On sait ce qu’il en est réellement en manière de miniaturisation et de simplification : un texte de 287 pages avec 356 modifications aux traités antérieurs, complété par un acte final de 36 pages, 13 protocoles, 65 déclarations et une annexe ayant tous la même valeur juridique.

Dans son opération d’escamotage, ce boni « menteur » a bénéficié et continue à bénéficier de la connivence des grands médias : contre toute évidence, ils continuent à parler de « mini-traité » et de « traité simplifié » pour masquer la forfaiture consistant à faire désavouer la décision de tout un peuple par sa représentation parlementaire. Telle est la signification du recours au Congrès en lieu et place d’un référendum pour la révision constitutionnelle nécessaire à l’adoption ultérieure du traité lui-même.

Même s’il y a tromperie sur la marchandise, Nicolas Sarkozy avait quand même annoncé un peu la couleur : il n’y aurait pas de référendum. D’autant que, s’exprimant « off » devant des journalistes, il ne cachait pas qu’une consultation populaire verrait à nouveau la victoire du « non ». Le Parti socialiste avait lui aussi annoncé la couleur, mais en sens inverse : aussi bien dans son programme que dans les propositions de la candidate Ségolène Royal, figurait l’exigence d’un référendum pour tout nouveau traité européen.

On sait, là aussi, ce qu’il en est advenu : la direction du parti n’a pas résisté à la tentation de prendre rageusement sa revanche sur le « non » de la majorité de ses propres électeurs et d’une fraction importante de ses élus en se faisant complice du déni de démocratie sarkozien. De plus, elle a agi d’une manière particulièrement hypocrite en s’organisant pour que le référendum qu’elle prétendait réclamer n’ait pas lieu. Alors qu’un « non » unanime de l’opposition au Congrès de Versailles pouvait, avec l’appoint de quelques voix de dissidents de droite, bloquer la révision constitutionnelle et obliger le président de la République à convoquer un référendum, elle a préconisé d’abord un boycottage, puis l’abstention. Deux manières de dire « oui », puisque seront seulement pris en compte les suffrages exprimés.

Tout comme les subprimes ont « plombé » tout le système financier international, les palinodies « sarko-socialistes » sur la ratification du traité de Lisbonne vont avoir des effets ravageurs sur la confiance des citoyens dans les procédures démocratiques :

  • en faisant bafouer, en toute connaissance de cause, la souveraineté populaire par les élus ;
  • en montrant la vanité des engagements électoraux du principal parti d’opposition ;
  • en imposant un type d’Europe dont les peuples ne veulent visiblement pas. En particulier avec un traité qui interdit la moindre limitation à la libre circulation des capitaux, et qui laisse donc toute latitude à l’exportation planétaire des risques des titres « pourris ».

A cet égard, le moment n’est-il pas venu de s’interroger sur la nature même de l’Union européenne, véritable machine à libéraliser, et sur la manière de se libérer de son carcan ?





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