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CONTRE LES MULTINATIONALES DE L’AGROBUSINESS

La Fête des semences paysannes au Brésil

vendredi 20 avril 2012   |   Sarah Testard
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La guerre des semences est lancée. En France, il s’agit, pour les firmes du secteur, de se ruer sur un marché estimé à plusieurs millions d’euros par an. La tendance est à l’arme lourde : privatiser le vivant.

Avec l’aide du gouvernement de Nicolas Sarkozy, le tapis rouge est déroulé devant les puissantes firmes semencières. Monsanto et Syngenta se lèchent les babines. Elles ont trouvé le filon : accaparer le marché des semences et empêcher toute production et exploitation de semences paysannes par les petits agriculteurs.

« Douce de Picardie », « Délice d´or », « Coeur de boeuf », « Jaune flammée »... Autant de variétés et de goûts de tomates qui disparaitront bientôt des assiettes. L´agroindustrie ne pense ni diététique, ni richesse culturelle. L´agroindustrie fait de l´agrobusiness. Elle préfère voir pousser les royalties plutôt que la biodiversité.

Le remplacement des semences paysannes par quelques variétés industrielles standardisées pour les besoins de l’industrie a conduit à réduire la biodiversité cultivée. À l’échelle planétaire, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que 75 % des variétés cultivées ont ainsi disparu entre 1900 et 2001.

La loi du 8 décembre 2011, adoptée par l’Assemblée nationale, sur les certificats d´obtention végétale instaure, entre autres, une redevance sur les « graines de fermes ». Elle donne les pleins pouvoirs aux grandes firmes semencières qui s´approprient l´intégralité de ce marché : pour réutiliser les semences de l´année précédente, les agriculteurs devront dorénavant payer une taxe à l´hectare, appelée « contribution volontaire obligatoire ». Elle concerne 21 espèces (orge, avoine, pois, etc.). Pour les autres espèces, la loi interdit l’utilisation des semences de ferme. L’argument des firmes : sécuriser le financement de la recherche... Les paysans qui ne respecteront pas ces règles deviendront donc des délinquants.

Malgré l’opposition absolue de la Confédération paysanne, de La Via campesina et du Réseau semences paysannes, entre autres, cette loi a été votée en catimini par quelques députés trop éloignés des champs. Elle met en péril tant la biodiversité que notre patrimoine culturel et notre souveraineté alimentaire.

A quelque 10 000 kilomètres de là, de l´autre côté de l´Atlantique, les agriculteurs brésiliens se mobilisent pour contrecarrer les projets de l’agroindustrie : Anchieta, petite ville de 6 376 habitants (Etat de Santa Catarina au sud du Brésil) se prépare à recevoir 30 000 personnes engagées pour un autre mode de production et de consommation. Des agriculteurs de tout le Brésil et des membres de divers mouvements paysans et écologistes de 17 pays d´Amérique latine et d´Europe s’y réunissent entre le 18 et le 22 avril pour la 5ème édition de la Fête nationale des semences paysannes et pour le troisième séminaire national de formation paysanne.

Ces activités sont organisées par le Mouvement des petits agriculteurs du Brésil (MPA) et par le Syndicat des travailleurs ruraux de l´agriculture familiale (SINTRAF) de la ville d´Anchieta. ET cela dans le cadre de la campagne internationale de La Via campesina « Les semences, patrimoine des peuples au service de l´humanité » lancée lors du Forum social mondial de 2003.

Diverses variétés de semences sont exposées durant la fête, et les participants en profitent pour échanger leurs productions, leurs pratiques et leurs connaissances. Le séminaire porte sur le développement durable, la souveraineté alimentaire et l´agro-biodiversité. Les ateliers sont animés par des représentants de différents mouvements paysans et sociaux d´Amérique latine : le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST, Brésil), le MPA, La Via Campesina, l´Association de petits agriculteurs de Cuba (ANAP), la Compagnie nationale d´approvisionnement du Venezuela (CONAB), etc. Nous y reviendrons dans une prochaine chronique...





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