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AU VATICAN, RENCONTRE MONDIALE DES MOUVEMENTS POPULAIRES

Le Pape François : « Quand je défends les pauvres, certains m’accusent d’être communiste ! »

mercredi 29 octobre 2014   |   Ignacio Ramonet
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Journée historique au Vatican ce mardi 28 octobre 2014. Parce qu’il n’est pas fréquent que le Pape convoque, au Saint-Siège, une Rencontre mondiale des mouvements populaires, à laquelle participent des organisations d’exclus et de personnes marginalisées des cinq continents et de toutes origines ethniques et religieuses : des paysans sans terre ou qui occupent illégalement des propriétés, travailleurs informels urbains, femmes révoltées, recycleurs et biffins, cartonniers, peuples indigènes en lutte... Plusieurs dirigeants présents sont menacés par des escadrons de la mort... En somme, une Assemblée mondiale des damnés de la terre. Mais des damnés qui se battent et ne se résignent pas.

Il est encore moins fréquent que le Pape en personne s’adresse à ces personnes en leur disant qu’il veut « écouter la voix des pauvres » parce que « les pauvres ne se contentent plus de subir les injustices, mais ils luttent contre leur sort  » et qu’il veut, lui, le Pape, « les accompagner dans cette lutte  ». François leur a dit également que « les pauvres n’attendent plus les bras croisés des solutions qui ne viennent jamais ; maintenant, les pauvres veulent être acteurs de leur destin et trouver eux-mêmes une solution à leurs problèmes » car, ajoute-t-il, « les pauvres ne sont pas des êtres résignés, ils savent protester, et se révolter ». Et il a dit : « J’espère que le vent de cette protestation deviendra un orage d’espérance. »

François a également affirmé : « La solidarité est une manière de faire l’histoire. » C’est pourquoi, il rejoint la demande des pauvres qui réclament « de la terre, un toit et un travail ». Il a commenté : « Certains, quand je demande pour les pauvres de la terre, un toit et un travail, disent que ‘le Pape est communiste’ ! Ils ne comprennent pas que la solidarité avec les pauvres est la base même des Evangiles. »

François a rappelé que « la réforme agraire est une nécessité morale  ! » Et il a accusé, sans le nommer, le néolibéralisme d’être à l’origine de nombreux malheurs contemporains : « Tout cela arrive – a-t-il précisé – quand on déplace l’être humain du centre du système et qu’on le remplace par l’argent-roi. » Il a répété qu’ « il faut hausser la voix  ». Et il a rappelé que « les chrétiens, nous disposons d’un programme que j’oserais qualifier de révolutionnaire : les béatitudes du Sermon de la Montagne rapportées par Saint Matthieu dans son Evangile. »

Un discours fort, courageux, qui s’inscrit dans le droit fil de la Doctrine sociale de l’Eglise à laquelle François s’est référé explicitement. Cela faisait très longtemps qu’un Pape ne prononçait pas une allocution aussi sociale, aussi « progressiste » sur un thème, les pauvres, qui constitue l’une des bases fondamentales de la doctrine chrétienne.

Cette intervention a été d’autant plus importante qu’elle fut prononcée en présence du président de la Bolivie, Evo Morales, icône des mouvements sociaux et leader mondial des peuples autochtones. Un moment plus tard d’ailleurs, très applaudi, le président Morales prenait à son tour la parole, devant le même auditoire, pour expliquer, de nombreux exemples à l’appui, que « le capitalisme, qui fait commerce de tout, a créé une civilisation du gaspillage  ». Il a insisté sur l’idée qu’ « il faut refonder la démocratie et la politique, parce que la démocratie c’est le gouvernement du peuple et non pas celui du capital et des banques  ». Il a également mis l’accent sur « le respect nécessaire de la Terre mère  » et « la mobilisation indispensable contre la privatisation des services publics ». Il a suggéré aux mouvements sociaux réunis à l’occasion de cette Rencontre de « créer une grande Alliance des exclus » pour défendre les « droits collectifs  » qui complètent, selon lui, les droits de l’homme.

Le sentiment général des participants à cette Rencontre inédite c’est que ces deux interventions du pape François et du président Evo Morales confirment d’une part, la nouvelle dimension internationale du président bolivien, et, d’autre part, le nouveau rôle historique du Pape François qui semble s’affirmer de plus en plus comme le porte-parole des pauvres d’Amérique latine et de tous les exclus du monde.

 

DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE MONDIALE DES MOUVEMENTS POPULAIRES

Salle ancienne du Synode
Mardi 28 octobre 2014

 

Bonjour à nouveau,

je suis heureux d’être avec vous, et je vous fais une confidence : c’est la première fois que je descends ici, je n’étais jamais venu. Comme je vous le disais, j’éprouve une grande joie et je vous souhaite une chaleureuse bienvenue.

Merci d’avoir accepté cette invitation à discuter des nombreux et graves problèmes qui affectent le monde d’aujourd’hui, vous qui vivez dans votre chair les inégalités et l’exclusion. Merci au cardinal Turkson pour son accueil, merci, Éminence, pour votre travail et pour vos paroles.

Cette rencontre des Mouvements populaires est un signe, un grand signe : vous êtes venus exposer en présence de Dieu, de l’Église et des hommes, une réalité qui est souvent passée sous silence. Les pauvres non seulement subissent l’injustice, mais ils luttent également contre elle !

Ils ne se contentent pas de promesses illusoires, d’excuses ou d’alibis. Ils n’attendent pas non plus les bras croisés l’aide d’ong, des programmes d’aide ou des solutions qui n’arrivent jamais ou qui, si elles arrivent, le font en ayant tendance soit à anesthésier, soit à apprivoiser, et cela est plutôt dangereux. Vous sentez que les pauvres n’attendent plus et veulent être acteurs ; ils s’organisent, étudient, travaillent, exigent et surtout pratiquent la solidarité si spéciale qui existe entre ceux qui souffrent, entre les pauvres, et que notre civilisation semble avoir oublié, ou tout au moins a très envie d’oublier.

La solidarité est un mot qui ne plaît pas toujours ; je dirais que parfois, nous l’avons transformé en un gros mot, on ne peut pas le prononcer ; mais un mot est beaucoup plus que certains gestes de générosité ponctuels. C’est penser et agir en termes de communauté, de priorité de la vie de tous sur l’appropriation des biens de la part de certains. C’est également lutter contre les causes structurelles de la pauvreté, de l’inégalité, du manque de travail, de terre et de logement, de la négation des droits sociaux et du travail. C’est faire face aux effets destructeurs de l’Empire de l’argent : les déplacements forcés, les émigrations douloureuses, la traite de personnes, la drogue, la guerre, la violence et toutes les réalités que beaucoup d’entre vous subissent et que nous sommes tous appelés à transformer. La solidarité, entendue dans son sens le plus profond, est une façon de faire l’histoire et c’est ce que font les mouvements populaires.

Notre rencontre ne répond pas à une idéologie. Vous ne travaillez pas avec les idées, vous travaillez avec des réalités comme celles que j’ai mentionnées et beaucoup d’autres que vous m’avez racontées. Vous avez les pieds dans la boue et les mains dans la chair. Vous sentez l’odeur des quartiers, du peuple, de la lutte ! Nous voulons que l’on écoute votre voix qui, en général, est peu entendue. Sans doute parce qu’elle gêne, sans doute parce que votre cri dérange, sans doute parce que l’on a peur du changement que vous exigez, mais sans votre présence, sans aller réellement dans les périphéries, les bonnes intentions et les projets que nous écoutons souvent dans les conférences internationales restent limitées au domaine des idées, c’est mon projet.

On ne peut affronter le scandale de la pauvreté en promouvant des stratégies de contrôle qui ne font que tranquilliser et transformer les pauvres en des êtres apprivoisés et inoffensifs. Qu’il est triste de voir que, derrière de présumées œuvres altruistes, on réduit l’autre à la passivité, on le nie ou, pire encore, se cachent des affaires et des ambitions personnelles : Jésus les définirait hypocrites. Qu’il est beau en revanche lorsque nous voyons en mouvement des peuples et surtout leurs membres plus pauvres et jeunes. Là, on sent vraiment le vent de la promesse qui ravive l’espérance d’un monde meilleur. Que ce vent se transforme en ouragan d’espérance. Tel est mon désir.

Notre rencontre répond à un désir très concret, quelque chose que n’importe quel père, n’importe quelle mère, veut pour ses enfants : un désir qui devrait être à la portée de tous, mais qu’aujourd’hui, nous voyons avec tristesse toujours plus éloigné de la majorité des personnes : terre, logement et travail. C’est étrange, mais si je parle de cela, certains pensent que le Pape est communiste. On ne comprend pas que l’amour pour les pauvres est au centre de l’Évangile. Terre, logement et travail, ce pour quoi vous luttez, sont des droits sacrés. Exiger cela n’est pas du tout étrange, c’est la doctrine sociale de l’Église. Je m’arrête un peu sur chacun d’eux parce que vous les avez choisis comme mots d’ordre pour cette rencontre.

Terre. Au début de la création, Dieu créa l’homme gardien de son œuvre, en lui confiant la charge de la cultiver et de la protéger. Je vois qu’il y a ici des dizaines d’agriculteurs et d’agricultrices et je veux les féliciter, parce qu’ils gardent la terre, la cultivent, et le font en communauté. Je suis préoccupé par le déracinement de tant de frères agriculteurs qui souffrent à cause de cela, et non pas à cause des guerres ou des désastres naturels. La spéculation de terrains, la déforestation, l’appropriation de l’eau, les pesticides inadéquats, sont quelques-uns des maux qui arrachent l’homme à sa terre natale. Cette séparation douloureuse n’est pas seulement physique, mais également existentielle et spirituelle, parce qu’il existe une relation avec la terre, qui fait courir à la communauté rurale et son style de vie particulier le risque de décadence évidente, et même d’extinction.

L’autre dimension du processus déjà global est la faim. Lorsque la spéculation financière conditionne le prix des aliments, en les traitant comme une marchandise quelconque, des millions de personnes souffrent et meurent de faim. De l’autre côté, on jette des tonnes de nourriture. Cela est un véritable scandale. La faim est un crime. L’alimentation est un droit inaliénable. Je sais que certains de vous demandent une réforme agraire pour résoudre certains de ces problèmes et, permettez-moi de dire que dans certains pays, et je cite ici le Compendium de la doctrine sociale de l’Église, « la réforme agraire devient ainsi non seulement une nécessité politique, mais une obligation morale » (cdse, n. 300).

Ce n’est pas seulement moi qui le dis, mais c’est écrit dans le Compendium de la doctrine sociale de l’Église. S’il vous plaît, continuez de lutter pour la dignité de la famille rurale, pour l’eau, pour la vie, afin que tous puissent bénéficier des fruits de la terre.

Deuxièmement, Logement. Je l’ai déjà dit et je le répète : un logement pour chaque famille. Il ne faut jamais oublier que Jésus est né dans une étable parce qu’il n’y avait pas de place dans les auberges, que sa famille dut abandonner sa maison et fuir en Égypte, persécutée par Hérode. Aujourd’hui, il y a beaucoup de familles sans logement, parce qu’elles ne l’ont jamais eu ou parce qu’elles l’ont perdu pour diverses raisons. Famille et logement vont de pair ! Mais un toit, pour qu’il soit une maison, doit aussi avoir une dimension communautaire : le quartier, et c’est précisément dans le quartier que l’on commence à construire cette grande famille de l’humanité, à partir de ce qui est plus immédiat, de la coexistence avec le voisinage. Aujourd’hui, nous vivons dans d’immenses villes qui affichent leur modernité avec orgueil et même avec vanité. Des villes qui offrent d’innombrables plaisirs et bien-être pour une heureuse minorité, mais qui nie un logement à des milliers de nos voisins et frères, même des enfants, et on les appelle, élégamment, « personnes sans domicile fixe ». Il est curieux de voir que dans le monde des injustices, les euphémismes abondent. Une personne, une personne isolée, une personne marginalisée, une personne qui souffre de la pauvreté, de la faim, est une personne sans domicile fixe ; c’est une expression élégante, non ? Vous, continuez de chercher. Je pourrais me tromper dans certains cas, mais en général, derrière un euphémisme, il y a un délit.

Nous vivons dans des villes qui construisent des tours, des centres commerciaux, qui font des affaires immobilières, mais qui abandonnent une partie d’elles-mêmes dans les périphéries. Comme il fait mal d’apprendre que les habitations pauvres sont marginalisées, ou pire encore, que l’on veut les déraciner ! Les images des évacuations forcées, des grues qui démolissent les baraques, sont des images semblables à celles de la guerre. C’est ce que l’on voit aujourd’hui.

Vous savez que dans les quartiers populaires où beaucoup d’entre vous vivent subsistent des valeurs désormais oubliées dans les centres enrichis. Ces lieux d’habitation sont bénis par une riche culture populaire, là, l’espace public n’est pas seulement un simple lieu de transit, mais une extension de sa propre maison, un lieu où créer des liens avec le voisinage. Comme elles sont belles les villes qui dépassent la méfiance malsaine et qui intègrent ceux qui sont différents et qui font de cette intégration un nouveau facteur de développement ! Comme elles sont belles les villes qui, dans la planification de leur architecture aussi, sont pleines d’espaces qui unissent, qui mettent en relation, qui favorisent la reconnaissance de l’autre ! Donc, ni déracinement, ni marginalisation : il faut suivre la voie de l’intégration urbaine ! Ce mot doit remplacer entièrement le mot déracinement, à présent, mais également ces projets qui entendent repeindre les quartiers pauvres, embellir les périphéries, et « maquiller » les blessures sociales au lieu de les soigner en promouvant une intégration authentique et respectueuse. C’est une sorte d’architecture de façade, non ? Et cela va dans cette direction. Continuons à travailler afin que toutes les familles aient un logement et afin que tous les quartiers aient une infrastructure adéquate (tout-à-l’égout, électricité, gaz, pavage des rues), et je continue : écoles, hôpitaux, postes de secours, centres sportifs et toutes ces choses qui créent des liens et qui unissent, l’accès à la santé — je l’ai déjà dit — à l’éducation et à la garantie de la propriété.

Troisièmement, Travail. Il n’existe pas de pire pauvreté matérielle — je tiens à le souligner — que celle qui ne permet pas de gagner de quoi manger et prive de la dignité du travail. Le chômage des jeunes, le travail au noir et le manque de droits du travail ne sont pas inévitables, ils sont le résultat d’un choix de société préalable, d’un système économique qui place les bénéfices au-dessus de l’homme, si le bénéfice est économique, au-dessus de l’humanité ou au-dessus de l’homme, ce sont les effets d’une culture du rebut qui considère l’être humain en soi comme un bien de consommation, que l’on peut utiliser, puis jeter.

Aujourd’hui une nouvelle dimension s’ajoute au phénomène de l’exploitation et de l’oppression, une nuance imagée et dure de l’injustice sociale ; ceux qui ne peuvent pas s’intégrer, les exclus sont des rebuts, des « excédents ». C’est la culture du rebut, et sur ce point je voudrais ajouter quelque chose que je n’ai pas écrit ici, mais qui vient de me venir à l’esprit. Cela arrive quand au centre d’un système économique se trouve le Dieu argent et non l’homme, la personne humaine. Oui, au centre de tout système social ou économique doit se trouver la personne, image de Dieu, créée pour être le dénominateur de l’univers. Quand la personne est déplacée et qu’arrive le dieu argent se produit ce renversement des valeurs.

Et pour l’illustrer, je rappelle ici un enseignement qui remonte environ à l’an 1200. Un rabbin juif expliquait à ses fidèles l’histoire de la tour de Babel et il racontait donc que, pour fabriquer cette tour, il fallait fournir un grand effort ; il fallait fabriquer des briques, et pour fabriquer les briques il fallait faire de la boue et apporter de la paille, et mélanger la boue avec la paille, la couper ensuite en carrés, puis la faire sécher, puis la cuire, et quand les briques étaient cuites et refroidies, les apporter pour construire la tour.

Si une brique tombait — ce travail avait tellement coûté —, cela devenait presque une tragédie nationale. Celui qui l’avait laissée tomber était puni ou chassé, je ne sais pas bien ce qu’on lui faisait, mais en revanche si un ouvrier tombait, il ne se passait rien. Cela arrive quand la personne est placée au service du dieu argent ; et c’est un rabbin juif qui le racontait en 1200, en expliquant ces choses horribles.

En ce qui concerne le rebut nous devons aussi être un peu attentif à ce qui se passe dans notre société. Je répète des choses que j’ai déjà dites et qui se trouvent dans Evangelii gaudium. Aujourd’hui, on met les enfants au rebut, en effet le taux de natalité a diminué dans de nombreux pays de la terre, ou alors on refuse les enfants par manque de nourriture ou parce qu’on les tue avant leur naissance ; des enfants au rebut.

On met les personnes âgées au rebut parce qu’elles ne servent pas, elles ne produisent pas ; ni les enfants ni les personnes âgées ne produisent, alors, avec des systèmes plus ou moins sophistiqués, on les abandonne lentement et à présent, étant donné que dans cette crise il faut retrouver un certain équilibre, nous assistons à une troisième mise au rebut très douloureuse : la mise au rebut des jeunes. Des millions de jeunes — je ne cite pas le nombre parce que je ne le connais pas exactement et celui que j’ai lu me paraît un peu exagéré — des millions de jeunes sont écartés du travail, laissés au chômage.

Dans les pays européens, et il s’agit-là de statistiques très claires, ici en Italie, les jeunes au chômage sont un peu plus de quarante pour cent ; vous savez ce que cela signifie quarante pour cent de jeunes, une génération entière, on efface une génération entière pour conserver l’équilibre. Dans un autre pays européen, le nombre dépasse cinquante pour cent, et dans ce même pays des cinquante pour cent, on arrive à soixante pour cent dans le sud. Ce sont des chiffres clairs, ceux du rebut. Des enfants au rebut, des personnes âgées au rebut, qui ne produisent pas, et nous devons sacrifier une génération de jeunes, des jeunes au rebut, pour pouvoir conserver et rééquilibrer un système dans lequel, au centre, il y a le dieu argent et non la personne humaine.

Malgré cette culture du rebut, cette culture des excédents, un grand nombre d’entre vous, à l’exclusion des travailleurs, qui êtes en excédent pour ce système, vous avez inventé votre travail avec tout ce qui semblait ne plus pouvoir être utilisé. Grâce à votre habileté artisanale, que Dieu vous a donnée, votre recherche, votre solidarité, votre travail communautaire, votre économie populaire, vous avez réussi, vous êtes en train de réussir... Et, laissez-moi le dire, ce n’est pas seulement du travail, mais de la poésie ! Merci.

Déjà à présent, chaque travailleur, qu’il appartienne ou non au système officiel du travail salarié, a droit à une rémunération digne, à la sécurité sociale et à une retraite. Ici il y a les cartoneros, ceux qui recyclent, les vendeurs ambulants, les tailleurs, les artisans, les pêcheurs, les maçons, les mineurs, les ouvriers d’entreprises relancées, les membres de coopératives en tous genres et des personnes qui exercent les métiers les plus communs, qui sont exclues des droits des travailleurs, auxquelles est niée la possibilité d’avoir un syndicat, qui n’ont pas une rémunération adaptée et stable. Je désire aujourd’hui unir ma voix à la leur et les accompagner dans la lutte.

Au cours de cette rencontre, vous avez parlé de Paix et Écologie. C’est logique : il ne peut pas y avoir de terre, il ne peut pas y avoir de travail si nous n’avons pas la paix et si nous détruisons la planète. Ce sont des thèmes si importants que les peuples et leurs organisations de base ne peuvent pas les ignorer. Ils ne peuvent pas demeurer seulement entre les mains des dirigeants et des hommes politiques. Tous les peuples de la terre, tous les hommes et les femmes de bonne volonté, tous nous devons élever la voix en défense de ces deux précieux dons : la paix et la nature. Notre sœur la mère terre, comme l’appelait saint François d’Assise.

J’ai dit il n’y a pas longtemps, et je le répète, que nous vivons la troisième guerre mondiale, mais fragmentée. Il existe des systèmes économiques qui doivent faire la guerre pour survivre. Alors on fabrique et on vend des armes et ainsi les bilans des économies qui sacrifient l’homme sur l’autel de l’idole de l’argent réussissent évidemment à se rétablir. Et l’on ne pense pas aux enfants affamés dans les camps de réfugiés, on ne pense pas aux séparations forcées, on ne pense pas aux maisons détruites, on ne pense même pas aux nombreuses vies détruites. Que de souffrance, que de destruction, que de douleur ! Aujourd’hui, chères sœurs et chers frères, s’élève de tous les lieux de la terre, de chaque peuple, de chaque cœur et des mouvements populaires, le cri de la paix : Jamais plus la guerre !

Un système économique axé sur le dieu argent a aussi besoin de piller la nature pour soutenir le rythme frénétique de consommation qui lui est propre. Le changement climatique, la perte de la biodiversité, la déforestation font déjà apparaître leurs effets dévastateurs dans les grandes catastrophes auxquelles nous assistons, et ceux qui en souffrent le plus c’est vous, les humbles, vous qui vivez près des côtes dans des logements précaires ou qui êtes vulnérables économiquement, au point de tout perdre lors d’une catastrophe naturelle. Frères et sœurs, la création n’est pas une propriété dont nous pouvons disposer selon notre bon vouloir ; et encore moins la propriété de quelques personnes seulement, d’un petit nombre. La création est un don, c’est un cadeau, un don merveilleux que Dieu nous a donné pour que nous en prenions soin et l’utilisions au profit de tous, toujours avec respect et gratitude. Peut-être savez-vous que je prépare une encyclique sur l’écologie : soyez certains que vos préoccupations seront présentes dans celle-ci. Je remercie, j’en profite pour remercier pour la lettre que m’ont faite parvenir les membres de la Vía Campesina, la Fédération des cartoneros et tant d’autres frères à ce propos.

Nous parlons de terre, de travail, de logement. Nous parlons de travail pour la paix et de prendre soin de la nature. Mais alors, pourquoi nous habituons-nous à voir que l’on détruit le travail digne, que l’on expulse tant de familles, que l’on chasse les paysans, que l’on fait la guerre et que l’on abuse de la nature ? Parce que dans ce système l’homme, la personne humaine, a été ôtée du centre et a été remplacée par autre chose. Parce qu’on rend un culte idolâtre à l’argent. Parce que l’indifférence s’est mondialisée ! L’indifférence s’est mondialisée : que m’importe ce qui arrive aux autres tant que je défends ce qui m’appartient ? Parce que le monde a oublié Dieu, qui est Père ; il est devenu orphelin parce qu’il a mis Dieu de côté.

Certains d’entre vous ont dit qu’on ne peut plus supporter ce système. Nous devons le changer, nous devons replacer au centre la dignité humaine et, sur ce pilier, doivent être construites les structures sociales alternatives dont nous avons besoin. Il faut le faire avec courage, mais aussi avec intelligence. Avec ténacité, mais sans fanatisme. Avec passion, mais sans violence. Et tous ensemble, en affrontant les conflits sans y rester piégés, en cherchant toujours à résoudre les tensions pour parvenir à un niveau supérieur d’unité, de paix et de justice. Nous chrétiens, nous avons quelque chose de très beau, une ligne d’action, un programme, pourrions-nous dire, révolutionnaire. Je vous recommande vivement de le lire, de lire les béatitudes qui sont contenues dans le chapitre 5 de saint Matthieu et 6 de saint Luc (cf. Mt 5, 3 et Lc 6, 20), et de lire le passage de Matthieu 25. Je l’ai dit aux jeunes à Rio de Janeiro, dans ces deux passages se trouve le programme d’action.

Je sais que parmi vous se trouvent des personnes de différentes religions, métiers, idées, cultures, pays et continents. Aujourd’hui, vous pratiquez ici la culture de la rencontre, si différente de la xénophobie, de la discrimination et de l’intolérance que nous voyons si souvent. Entre les exclus se produit cette rencontre de culture où l’ensemble n’efface pas la particularité, l’ensemble n’efface pas la particularité. C’est pourquoi j’aime l’image du polyèdre, une figure géométrique qui a de nombreuses facettes différentes. Le polyèdre reflète la confluence de toutes les diversités qui, dans celui-ci, conservent l’originalité. Rien ne se dissout, rien ne se détruit, rien ne domine rien, tout s’intègre, tout s’intègre. Aujourd’hui, vous êtes en train de chercher la synthèse entre ce qui est local et ce qui est mondial. Je sais que vous travaillez chaque jour à des choses proches, concrètes, sur votre territoire, sur votre lieu de travail : je vous invite également à continuer à chercher cette perspective plus ample ; que vos rêves volent haut et embrassent le tout !

C’est pourquoi me semble importante la proposition, dont certains d’entre vous m’ont parlé, que ces mouvements, ces expériences de solidarité qui grandissent du bas, du sous-sol de la planète, confluent, soient davantage coordonnées, se rencontrent, comme vous l’avez fait au cours de ces journées. Attention, ce n’est jamais un bien d’enfermer le mouvement dans des structures rigides, c’est pourquoi j’ai dit se rencontrer, et cela l’est encore moins de chercher à l’absorber, à le diriger ou à le dominer ; les mouvements libres ont leur propre dynamique, mais oui, nous devons chercher à marcher ensemble. Nous sommes dans cette salle, qui est l’ancienne salle du synode, maintenant il y en a une nouvelle, et synode signifie précisément « marcher ensemble » : que cela soit un symbole du processus que vous avez lancé et que vous menez de l’avant !

Les mouvements populaires expriment la nécessité urgente de revitaliser nos démocraties, si souvent détournées par d’innombrables facteurs. Il est impossible d’imaginer un avenir pour la société sans la participation, en tant qu’acteurs, des grandes majorités et ce rôle d’acteur transcende les processus logiques de la démocratie formelle. La perspective d’un monde de paix et de justice durable nous demande de dépasser l’assistantialisme paternaliste, exige que nous créions de nouvelles formes de participation qui incluent les mouvements populaires et animent les structures de gouvernement locales, nationales et internationales, avec le torrent d’énergie morale qui naît de la participation des exclus à la construction d’un avenir commun. Et cela avec une âme constructive, sans ressentiment, avec amour.

Je vous accompagne de tout cœur sur ce chemin. Disons ensemble de tout notre cœur : aucune famille sans logement, aucun agriculteur sans terre, aucun travailleur sans droits, aucune personne sans la dignité que donne le travail.

Chers frères et sœurs : continuez votre lutte, vous nous faites du bien à tous. C’est comme une bénédiction d’humanité. Je vous laisse en souvenir, en cadeau, et avec ma bénédiction, plusieurs chapelets qui ont été fabriqués par des artisans, des cartoneros et des travailleurs de l’économie populaire de l’Amérique latine.

Et en vous accompagnant, je prie pour vous, je prie avec vous et je désire demander à Dieu le Père de vous accompagner et de vous bénir, de vous combler de son amour et de vous accompagner sur le chemin, en vous donnant en abondance cette force qui nous tient debout : cette force est l’espérance, l’espérance qui ne déçoit pas. Merci.

Source : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2014/october/documents/papa-francesco_20141028_incontro-mondiale-movimenti-popolari.html


 

Texte intégral (en espagnol) du discours du Pape François le 28 octobre 2014 à l’occasion de la Rencontre mondiale des mouvements populaires.

 

DISCURSO DEL SANTO PADRE FRANCISCO A LOS PARTICIPANTESEN EL ENCUENTRO MUNDIAL DE MOVIMIENTOS POPULARES

Aula Vieja del Sínodo 

Martes 28 de octubre de 2014

 

Buenos días de nuevo, estoy contento de estar entre ustedes, además les digo una confidencia, es la primera vez que bajo acá, nunca había venido. Como les decía, tengo mucha alegría y les doy una calurosa bienvenida.

Gracias por haber aceptado esta invitación para debatir tantos graves problemas sociales que aquejan al mundo hoy, ustedes que sufren en carne propia la desigualdad y la exclusión. Gracias al Cardenal Turkson por su acogida. Gracias, Eminencia por su trabajo y sus palabras.

Este encuentro de Movimientos Populares es un signo, es un gran signo : vinieron a poner en presencia de Dios, de la Iglesia, de los pueblos, una realidad muchas veces silenciada. ¡Los pobres no sólo padecen la injusticia sino que también luchan contra ella !

No se contentan con promesas ilusorias, excusas o coartadas. Tampoco están esperando de brazos cruzados la ayuda de ONGs, planes asistenciales o soluciones que nunca llegan o, si llegan, llegan de tal manera que van en una dirección o de anestesiar o de domesticar. Esto es medio peligroso. Ustedes sienten que los pobres ya no esperan y quieren ser protagonistas, se organizan, estudian, trabajan, reclaman y, sobre todo, practican esa solidaridad tan especial que existe entre los que sufren, entre los pobres, y que nuestra civilización parece haber olvidado, o al menos tiene muchas ganas de olvidar.

Solidaridad es una palabra que no cae bien siempre, yo diría que algunas veces la hemos transformado en una mala palabra, no se puede decir ; pero es una palabra mucho más que algunos actos de generosidad esporádicos. Es pensar y actuar en términos de comunidad, de prioridad de vida de todos sobre la apropiación de los bienes por parte de algunos. También es luchar contra las causas estructurales de la pobreza, la desigualdad, la falta de trabajo, la tierra y la vivienda, la negación de los derechos sociales y laborales. Es enfrentar los destructores efectos del Imperio del dinero : los desplazamientos forzados, las emigraciones dolorosas, la trata de personas, la droga, la guerra, la violencia y todas esas realidades que muchos de ustedes sufren y que todos estamos llamados a transformar. La solidaridad, entendida, en su sentido más hondo, es un modo de hacer historia y eso es lo que hacen los movimientos populares.

Este encuentro nuestro no responde a una ideología. Ustedes no trabajan con ideas, trabajan con realidades como las que mencioné y muchas otras que me han contado… tienen los pies en el barro y las manos en la carne. ¡Tienen olor a barrio, a pueblo, a lucha ! Queremos que se escuche su voz que, en general, se escucha poco. Tal vez porque molesta, tal vez porque su grito incomoda, tal vez porque se tiene miedo al cambio que ustedes reclaman, pero sin su presencia, sin ir realmente a las periferias, las buenas propuestas y proyectos que a menudo escuchamos en las conferencias internacionales se quedan en el reino de la idea, es mi proyecto.

No se puede abordar el escándalo de la pobreza promoviendo estrategias de contención que únicamente tranquilicen y conviertan a los pobres en seres domesticados e inofensivos. Qué triste ver cuando detrás de supuestas obras altruistas, se reduce al otro a la pasividad, se lo niega o peor, se esconden negocios y ambiciones personales : Jesús les diría hipócritas. Qué lindo es en cambio cuando vemos en movimiento a Pueblos, sobre todo, a sus miembros más pobres y a los jóvenes. Entonces sí se siente el viento de promesa que aviva la ilusión de un mundo mejor. Que ese viento se transforme en vendaval de esperanza. Ese es mi deseo.

Este encuentro nuestro responde a un anhelo muy concreto, algo que cualquier padre, cualquier madre quiere para sus hijos ; un anhelo que debería estar al alcance de todos, pero hoy vemos con tristeza cada vez más lejos de la mayoría : tierra, techo y trabajo. Es extraño pero si hablo de esto para algunos resulta que el Papa es comunista.

No se entiende que el amor a los pobres está al centro del Evangelio. Tierra, techo y trabajo, eso por lo que ustedes luchan, son derechos sagrados. Reclamar esto no es nada raro, es la doctrina social de la Iglesia. Voy a detenerme un poco en cada uno de éstos porque ustedes los han elegido como consigna para este encuentro.

Tierra. Al inicio de la creación, Dios creó al hombre, custodio de su obra, encargándole de que la cultivara y la protegiera. Veo que aquí hay decenas de campesinos y campesinas, y quiero felicitarlos por custodiar la tierra, por cultivarla y por hacerlo en comunidad. Me preocupa la erradicación de tantos hermanos campesinos que sufren el desarraigo, y no por guerras o desastres naturales. El acaparamiento de tierras, la desforestación, la apropiación del agua, los agrotóxicos inadecuados, son algunos de los males que arrancan al hombre de su tierra natal. Esta dolorosa separación, que no es sólo física, sino existencial y espiritual, porque hay una relación con la tierra que está poniendo a la comunidad rural y su peculiar modo de vida en notoria decadencia y hasta en riesgo de extinción.

La otra dimensión del proceso ya global es el hambre. Cuando la especulación financiera condiciona el precio de los alimentos tratándolos como a cualquier mercancía, millones de personas sufren y mueren de hambre. Por otra parte se desechan toneladas de alimentos. Esto constituye un verdadero escándalo. El hambre es criminal, la alimentación es un derecho inalienable. Sé que algunos de ustedes reclaman una reforma agraria para solucionar alguno de estos problemas, y déjenme decirles que en ciertos países, y acá cito el Compendio de la Doctrina Social de la Iglesia, “la reforma agraria es además de una necesidad política, una obligación moral” (CDSI, 300).

No lo digo solo yo, está en el Compendio de la Doctrina Social de la Iglesia. Por favor, sigan con la lucha por la dignidad de la familia rural, por el agua, por la vida y para que todos puedan beneficiarse de los frutos de la tierra.

Segundo, Techo. Lo dije y lo repito : una casa para cada familia. Nunca hay que olvidarse que Jesús nació en un establo porque en el hospedaje no había lugar, que su familia tuvo que abandonar su hogar y escapar a Egipto, perseguida por Herodes. Hoy hay tantas familias sin vivienda, o bien porque nunca la han tenido o bien porque la han perdido por diferentes motivos. Familia y vivienda van de la mano. Pero, además, un techo, para que sea hogar, tiene una dimensión comunitaria : y es el barrio… y es precisamente en el barrio donde se empieza a construir esa gran familia de la humanidad, desde lo más inmediato, desde la convivencia con los vecinos. Hoy vivimos en inmensas ciudades que se muestran modernas, orgullosas y hasta vanidosas. Ciudades que ofrecen innumerables placeres y bienestar para una minoría feliz… pero se le niega el techo a miles de vecinos y hermanos nuestros, incluso niños, y se los llama, elegantemente, “personas en situación de calle”. Es curioso como en el mundo de las injusticias, abundan los eufemismos. No se dicen las palabras con la contundencia y la realidad se busca en el eufemismo. Una persona, una persona segregada, una persona apartada, una persona que está sufriendo la miseria, el hambre, es una persona en situación de calle : palabra elegante ¿no ? Ustedes busquen siempre, por ahí me equivoco en alguno, pero en general, detrás de un eufemismo hay un delito.

Vivimos en ciudades que construyen torres, centros comerciales, hacen negocios inmobiliarios… pero abandonan a una parte de sí en las márgenes, las periferias. ¡Cuánto duele escuchar que a los asentamientos pobres se los margina o, peor, se los quiere erradicar ! Son crueles las imágenes de los desalojos forzosos, de las topadoras derribando casillas, imágenes tan parecidas a las de la guerra. Y esto se ve hoy.

Ustedes saben que en las barriadas populares donde muchos de ustedes viven subsisten valores ya olvidados en los centros enriquecidos. Los asentamientos están bendecidos con una rica cultura popular : allí el espacio público no es un mero lugar de tránsito sino una extensión del propio hogar, un lugar donde generar vínculos con los vecinos. Qué hermosas son las ciudades que superan la desconfianza enfermiza e integran a los diferentes y que hacen de esa integración un nuevo factor de desarrollo. Qué lindas son las ciudades que, aun en su diseño arquitectónico, están llenas de espacios que conectan, relacionan, favorecen el reconocimiento del otro. Por eso, ni erradicación ni marginación : Hay que seguir en la línea de la integración urbana. Esta palabra debe desplazar totalmente a la palabra erradicación, desde ya, pero también esos proyectos que pretender barnizar los barrios pobres, aprolijar las periferias y maquillar las heridas sociales en vez de curarlas promoviendo una integración auténtica y respetuosa. Es una especie de arquitectura de maquillaje ¿no ? Y va por ese lado. Sigamos trabajando para que todas las familias tengan una vivienda y para que todos los barrios tengan una infraestructura adecuada (cloacas, luz, gas, asfalto, y sigo : escuelas, hospitales o salas de primeros auxilios, club deportivo y todas las cosas que crean vínculos y que unen, acceso a la salud –lo dije- y a la educación y a la seguridad en la tenencia.

Tercero, Trabajo. No existe peor pobreza material - me urge subrayarlo-, no existe peor pobreza material, que la que no permite ganarse el pan y priva de la dignidad del trabajo. El desempleo juvenil, la informalidad y la falta de derechos laborales no son inevitables, son resultado de una previa opción social, de un sistema económico que pone los beneficios por encima del hombre, si el beneficio es económico, sobre la humanidad o sobre el hombre, son efectos de una cultura del descarte que considera al ser humano en sí mismo como un bien de consumo, que se puede usar y luego tirar.

Hoy, al fenómeno de la explotación y de la opresión se le suma una nueva dimensión, un matiz gráfico y duro de la injusticia social ; los que no se pueden integrar, los excluidos son desechos, “sobrantes”. Esta es la cultura del descarte y sobre esto quisiera ampliar algo que no tengo escrito pero se me ocurre recordarlo ahora. Esto sucede cuando al centro de un sistema económico está el dios dinero y no el hombre, la persona humana. Sí, al centro de todo sistema social o económico tiene que estar la persona, imagen de Dios, creada para que fuera el denominador del universo. Cuando la persona es desplazada y viene el dios dinero sucede esta trastocación de valores.

Y, para graficar, recuerdo una enseñanza de alrededor del año 1200. Un rabino judío explicaba a sus feligreses la historia de la torre de babel y entonces contaba cómo, para construir esta torre de babel, había que hacer mucho esfuerzo había que fabricar los ladrillos, para fabricar los ladrillos había que hacer el barro y traer la paja, y amasar el barro con la paja, después cortarlo en cuadrado, después hacerlo secar, después cocinarlo, y cuando ya estaban cocidos y fríos, subirlos para ir construyendo la torre.

Si se caía un ladrillo, era muy caro el ladrillo con todo este trabajo, si se caía un ladrillo era casi una tragedia nacional. Al que lo dejaba caer lo castigaban o lo suspendían o no sé lo que le hacían, y si caía un obrero no pasaba nada. Esto es cuando la persona está al servicio del dios dinero y esto lo contaba un rabino judío en el año 1200 explicaba estas cosas horribles.

Y respecto al descarte también tenemos que ser un poco atentos a lo que sucede en nuestra sociedad. Estoy repitiendo cosas que he dicho y que están en la Evangelii Gaudium. Hoy día, se descartan los chicos porque el nivel de natalidad en muchos países de la tierra ha disminuido o se descartan los chicos por no tener alimentación o porque se les mata antes de nacer, descarte de niños.

Se descartan los ancianos, porque, bueno, no sirven, no producen, ni chicos ni ancianos producen, entonces con sistemas más o menos sofisticados se les va abandonando lentamente, y ahora, como es necesario en esta crisis recuperar un cierto equilibrio, estamos asistiendo a un tercer descarte muy doloroso, el descarte de los jóvenes. Millones de jóvenes, yo no quiero decir la cifra porque no la sé exactamente y la que leí me parece un poco exagerada, pero millones de jóvenes descartados del trabajo, desocupados.

En los países de Europa, y estas si son estadísticas muy claras, acá en Italia, pasó un poquitito del 40% de jóvenes desocupados ; ya saben lo que significa 40% de jóvenes, toda una generación, anular a toda una generación para mantener el equilibrio. En otro país de Europa está pasando el 50% y en ese mismo país del 50% en el sur el 60%, son cifras claras, óseas del descarte. Descarte de niños, descarte de ancianos, que no producen, y tenemos que sacrificar una generación de jóvenes, descarte de jóvenes, para poder mantener y reequilibrar un sistema en el cual en el centro está el dios dinero y no la persona humana.

Pese a esto, a esta cultura del descarte, a esta cultura de los sobrantes, tantos de ustedes, trabajadores excluidos, sobrantes para este sistema, fueron inventando su propio trabajo con todo aquello que parecía no poder dar más de sí mismo… pero ustedes, con su artesanalidad, que les dio Dios… con su búsqueda, con su solidaridad, con su trabajo comunitario, con su economía popular, lo han logrado y lo están logrando…. Y déjenme decírselo, eso además de trabajo, es poesía. Gracias.

Desde ya, todo trabajador, esté o no esté en el sistema formal del trabajo asalariado, tiene derecho a una remuneración digna, a la seguridad social y a una cobertura jubilatoria. Aquí hay cartoneros, recicladores, vendedores ambulantes, costureros, artesanos, pescadores, campesinos, constructores, mineros, obreros de empresas recuperadas, todo tipo de cooperativistas y trabajadores de oficios populares que están excluidos de los derechos laborales, que se les niega la posibilidad de sindicalizarse, que no tienen un ingreso adecuado y estable. Hoy quiero unir mi voz a la suya y acompañarlos en su lucha.

En este Encuentro, también han hablado de la Paz y de Ecología. Es lógico : no puede haber tierra, no puede haber techo, no puede haber trabajo si no tenemos paz y si destruimos el planeta. Son temas tan importantes que los Pueblos y sus organizaciones de base no pueden dejar de debatir. No pueden quedar sólo en manos de los dirigentes políticos. Todos los pueblos de la tierra, todos los hombres y mujeres de buena voluntad, tenemos que alzar la voz en defensa de estos dos preciosos dones : la paz y la naturaleza. La hermana madre tierra como la llamaba San Francisco de Asís.

Hace poco dije, y lo repito, que estamos viviendo la tercera guerra mundial pero en cuotas. Hay sistemas económicos que para sobrevivir deben hacer la guerra. Entonces se fabrican y se venden armas y, con eso los balances de las economías que sacrifican al hombre a los pies del ídolo del dinero, obviamente quedan saneadas. Y no se piensa en los niños hambrientos en los campos de refugiados, no se piensa en los desplazamientos forzosos, no se piensa en las viviendas destruidas, no se piensa, desde ya, en tantas vidas segadas. Cuánto sufrimiento, cuánta destrucción, cuánto dolor. Hoy, queridos hermanas y hermanos, se levanta en todas las partes de la tierra, en todos los pueblos, en cada corazón y en los movimientos populares, el grito de la paz : ¡Nunca más la guerra !

Un sistema económico centrado en el dios dinero necesita también saquear la naturaleza, saquear la naturaleza, para sostener el ritmo frenético de consumo que le es inherente. El cambio climático, la pérdida de la biodiversidad, la desforestación ya están mostrando sus efectos devastadores en los grandes cataclismos que vemos, y los que más sufren son ustedes, los humildes, los que viven cerca de las costas en viviendas precarias o que son tan vulnerables económicamente que frente a un desastre natural lo pierden todo. Hermanos y hermanas : la creación no es una propiedad, de la cual podemos disponer a nuestro gusto ; ni mucho menos, es una propiedad sólo de algunos, de pocos : la creación es un don, es un regalo, un don maravilloso que Dios no ha dado para que cuidemos de él y lo utilicemos en beneficio de todos, siempre con respeto y gratitud. Ustedes quizá sepan que estoy preparando una encíclica sobre Ecología : tengan la seguridad que sus preocupaciones estarán presentes en ella. Les agradezco, aprovecho para agradecerles, la carta que me hicieron llegar los integrantes de la Vía Campesina, la Federación de Cartoneros y tantos otros hermanos al respecto.

Hablamos de la tierra, de trabajo, de techo… hablamos de trabajar por la paz y cuidar la naturaleza… Pero ¿por qué en vez de eso nos acostumbramos a ver como se destruye el trabajo digno, se desahucia a tantas familias, se expulsa a los campesinos, se hace la guerra y se abusa de la naturaleza ? Porque en este sistema se ha sacado al hombre, a la persona humana, del centro y se lo ha reemplazado por otra cosa. Porque se rinde un culto idolátrico al dinero. Porque se ha globalizado la indiferencia !, se ha globalizado la indiferencia : a mí ¿qué me importa lo que les pasa a otros mientras yo defienda lo mío ? Porque el mundo se ha olvidado de Dios, que es Padre ; se ha vuelto huérfano porque dejó a Dios de lado.

Algunos de ustedes expresaron : Este sistema ya no se aguanta. Tenemos que cambiarlo, tenemos que volver a llevar la dignidad humana al centro y que sobre ese pilar se construyan las estructuras sociales alternativas que necesitamos. Hay que hacerlo con coraje, pero también con inteligencia. Con tenacidad, pero sin fanatismo. Con pasión, pero sin violencia. Y entre todos, enfrentando los conflictos sin quedar atrapados en ellos, buscando siempre resolver las tensiones para alcanzar un plano superior de unidad, de paz y de justicia. Los cristianos tenemos algo muy lindo, una guía de acción, un programa, podríamos decir, revolucionario. Les recomiendo vivamente que lo lean, que lean las bienaventuranzas que están en el capítulo 5 de San Mateo y 6 de San Lucas, (cfr.Mt 5, 3 y Lc 6, 20) y que lean el pasaje de Mateo 25. Se los dije a los jóvenes en Río de Janeiro, con esas dos cosas tiene el programa de acción.

Sé que entre ustedes hay personas de distintas religiones, oficios, ideas, culturas, países, continentes. Hoy están practicando aquí la cultura del encuentro, tan distinta a la xenofobia, la discriminación y la intolerancia que tantas veces vemos. Entre los excluidos se da ese encuentro de culturas donde el conjunto no anula la particularidad, el conjunto no anula la particularidad. Por eso a mí me gusta la imagen del poliedro, una figura geométrica con muchas caras distintas. El poliedro refleja la confluencia de todas las parcialidades que en él conservan la originalidad. Nada se disuelve, nada se destruye, nada se domina, todo se integra, todo se integra. Hoy también están buscando esa síntesis entre lo local y lo global. Sé que trabajan día tras día en lo cercano, en lo concreto, en su territorio, su barrio, su lugar de trabajo : los invito también a continuar buscando esa perspectiva más amplia, que nuestros sueños vuelen alto y abarquen el todo.

De ahí que me parece importante esa propuesta que algunos me han compartido de que estos movimientos, estas experiencias de solidaridad que crecen desde abajo, desde el subsuelo del planeta, confluyan, estén más coordinadas, se vayan encontrando, como lo han hecho ustedes en estos días. Atención, nunca es bueno encorsetar el movimiento en estructuras rígidas, por eso dije encontrarse, mucho menos es bueno intentar absorberlo, dirigirlo o dominarlo ; movimientos libres tiene su dinámica propia, pero sí, debemos intentar caminar juntos. Estamos en este salón, que es el salón del Sínodo viejo, ahora hay uno nuevo, y sínodo quiere decir precisamente “caminar juntos” : que éste sea un símbolo del proceso que ustedes han iniciado y que están llevando adelante.

Los movimientos populares expresan la necesidad urgente de revitalizar nuestras democracias, tantas veces secuestradas por innumerables factores. Es imposible imaginar un futuro para la sociedad sin la participación protagónica de las grandes mayorías y ese protagonismo excede los procedimientos lógicos de la democracia formal. La perspectiva de un mundo de paz y justicia duraderas nos reclama superar el asistencialismo paternalista, nos exige crear nuevas formas de participación que incluya a los movimientos populares y anime las estructuras de gobierno locales, nacionales e internacionales con ese torrente de energía moral que surge de la incorporación de los excluidos en la construcción del destino común. Y esto con ánimo constructivo, sin resentimiento, con amor.

Yo los acompaño de corazón en ese camino. Digamos juntos desde el corazón : Ninguna familia sin vivienda, ningún campesino sin tierra, ningún trabajador sin derechos, ninguna persona sin la dignidad que da el trabajo.

Queridos hermanas y hermanos : sigan con su lucha, nos hacen bien a todos. Es como una bendición de humanidad. Les dejo de recuerdo, de regalo y con mi bendición, unos rosarios que fabricaron artesanos, cartoneros y trabajadores de la economía popular de América Latina.

Y en este acompañamiento rezo por ustedes, rezo con ustedes y quiero pedirle a nuestro Padre Dios que los acompañe y los bendiga, que los colme de su amor y los acompañe en el camino dándoles abundantemente esa fuerza que nos mantiene en pie : esa fuerza es la esperanza, la esperanza que no defrauda, gracias.

 

Illustration : Le Pape François et Evo Morales (Photo d’Ignacio Ramonet)





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