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Chronique - juin 2009

Le choeur des pleureuses

mardi 2 juin 2009   |   Bernard Cassen
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Les dirigeants des grands partis se lamentent par avance de l’augmentation probable du taux d’abstention aux élections au Parlement européen du 7 juin prochain. En 2004, ce taux s’était élevé en moyenne à 54,3 % dans les 25 pays alors membres de l’Union européenne, la Bulgarie et la Roumanie ayant seulement adhéré et voté en 2007. Cette moyenne – dans laquelle se situait presque exactement l’Espagne (54,9 %) – dissimulait des écarts considérables : entre 9, 2 % en Belgique (où le vote est obligatoire) et 83 % pour la Slovaquie.

Un tel choeur des pleureuses est particulièrement hypocrite car, en réalité, ce massif désintérêt des citoyens convient parfaitement à tous les gouvernements, quelle qu’en soit la couleur, et aux partis qui les soutiennent. Et cela pour au moins trois raisons :

1.- Il permet de maintenir l’opacité sur les processus de décision européens.

La plupart des citoyens ignorent que plus des trois quarts des lois qui les régissent sont la simple transposition en droit national de décisions prises au niveau européen. Mais prises par qui ? Par les gouvernements eux-mêmes au sein du Conseil et, pour partie, co-décidées par le Parlement. On comprend que ces gouvernements n’aient guère envie d’expliquer aux électeurs comment fonctionnent des institutions. Cela leur laisse en effet la possibilité de revêtir du drapeau européen les politiques impopulaires qu’ils mènent chacun dans leur propre pays.

2.- Il occulte les sources permanentes de l’eurolibéralisme.
Les traités européens et le droit communautaire dérivé – essentiellement fondé sur le principe de la concurrence - constituent des garde-fous juridiques contre toute tentative de rupture avec l’eurolibéralisme, contre toute politique remettant en cause la prédominance du marché et de la finance.

Ni les partis de droite ni la social-démocratie n’ont intérêt à ce que tous les citoyens découvrent ce secret de Polichinelle et en tirent les conséquences. Ils pourraient s’indigner que certains partis leur fassent des promesses électorales, par exemple, celle d’une “Europe sociale”, alors que, dans le même temps, ils réclament la mise en oeuvre du traité de Lisbonne qui rend précisément impossible la tenue de ces promesses.

3.- Il dissimule le consensus sur l’essentiel entre la gauche et la droite de gouvernement en Europe.

Pour justifier son existence et celle de ses élus, tout parti doit afficher une identité et un programme distincts de ceux de ses concurrents. Mais, pour ce qui concerne les deux principaux courants politiques européens - la social démocratie et la droite sous ses différentes appellations -, le programme devrait logiquement être identique. Que l’on en juge : en 2008, au Parlement européen (selon les calculs du site de l’Observatoire de l’Europe, proche des milieux souverainistes français) sur 535 scrutins par appel nominal, les élus du Parti socialiste européen (PSE), où siègent les eurodéputés du PSOE et du PS français, et ceux du Parti populaire européen (PPE), où se retrouvent les eurodéputés du PP et de l’UMP française, ont voté ensemble dans 97 % des cas !

Trois chefs de gouvernement social-démocrates européens - George Brown, José Socrates et José Luis Rodriguez Zapatero - ne se donnent même pas la peine de jouer la comédie de l’affrontement avec la droite : alors que les partis membres du PSE (dont les leurs) font campagne contre la reconduction de l’ultralibéral José Manuel Barroso à la tête de la Commission, ils ont laissé entendre qu’il serait leur candidat…





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