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Pourquoi le PSUV a encore gagné au Venezuela ?

mardi 24 octobre 2017   |   Juan Manuel Karg
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Les élections régionales au Venezuela ont été une véritable secousse au sein des forces de la droite régionale, qui s’attendaient à une confirmation des résultats des élections législatives de 2015 que la MUD (Table de l’unité démocratique) avait gagnées massivement. Mais rien de tel n’est arrivé : le chavisme a emporté 18 des 23 Etats en jeu, et obtenu 54 % des votes au niveau national. La MUD s’est imposée dans 5 régions seulement, surtout grâce à Action démocratique (AD), l’organisation du vieux cacique Ramos Allup. Les forces les plus radicales de la droite, qui avaient été à la tête des manifestations ces derniers mois, sont restées les mains vides.

« Comment expliquer que malgré la crise économique, sociale et politique que connaît aujourd’hui le Venezuela, les forces « officialistes » aient gagné la majorité des gouvernements locaux ? » s’est interrogée via Twitter la présentatrice de CNN, Patricia Janiot, adversaire du chavisme depuis l’époque de Hugo Chávez.

C’est effectivement la question qui agite actuellement la droite régionale : comment « ces gens-là », c’est-à-dire ceux qu’elle a toujours considéré inférieurs en capacités, peuvent encore gagner des élections malgré la guerre économique responsable de la pénurie des denrées et de l’énorme inflation ? Il faudrait peut-être chercher les explications dans l’inflexion politique provoquée par l’élection de l’Assemblée nationale constituante : des millions de personnes sont allés voter pour dire non aux « guarimbas », ces violentes manifestations de rue qui se sont soldées par une centaine de morts, parmi lesquels de nombreux seulement coupables du seul « pêché » d’être pauvres et chavistes. Depuis cette élection, la violence a notablement diminué et la MUD a accepté le dialogue, puis la convocation des élections régionales. Dans cette perspective, elle a organisé des élections primaires, marquées par une faible participation, qui ont permis à Allup de se placer comme le vainqueur du vote interne de la droite.

Janiot de la chaîne CNN, comme des centaines d’autres communicants de tout le continent, oublie une donnée importante : le chavisme est une force politique qui a constitué un véritable paradigme nouveau dans la politique vénézuélienne. Ceci peut expliquer le fait qu’il puisse gagner une élection nationale en même temps qu’il affronte une attaque internationale sans précédent, une inflation débridée, des pénuries provoquées, avec, de plus, l’opposition des médias, intérieurs et extérieurs. Le chavisme n’a pas seulement survécu à la mort de son leader, il a réussi, quand on le croyait moribond, à renverser la table en profitant des erreurs grossières commises par une opposition peu professionnelle. C’est bien ainsi qu’il a construit sa victoire, en laissant hors course ceux qui annonçaient la chute du gouvernement Maduro il y a seulement dix semaines.

L’un des points intéressants mis en évidence par cette élection est l’entrée en scène d’une nouvelle génération au sein du PSUV (Parti socialiste unifié du Venezuela). L’arrivée de Héctor Rodríguez au gouvernement de l’Etat de Miranda apporte une bouffée d’air frais au chavisme, tout en démontrant qu’il s’agit d’un projet politique de longue haleine, capable d’adapter son propre discours pour s’adresser à nouveau aux classes moyennes urbaines.

L’opposition compte plusieurs grands perdants : les anciens gouverneurs Henrique Capriles et Henri Falcón et le trio Freddy Guevara, Leopoldo López et Lilian Tintori, qui avaient mis à feu les rues il y a quelques mois. Mais elle compte aussi un grand gagnant : le cacique très expérimenté Ramos Allup qui, grâce aux quatre gouvernements régionaux remportés par son organisation Action démocratique se positionne comme le principal pré-candidat à la présidence pour 2018, candidature qu’il devra peut-être gagner en interne face à Julio Borges, l’actuel président de l’Assemblée nationale.

Ainsi, l’élection du dimanche 15 octobre a démontrée plusieurs choses. Tout d’abord, que l’hypothèse de la droite vénézuélienne selon laquelle « 80 % de la population souhaite que Maduro abandonne le pouvoir » est fausse. Ce n’est pas par hasard si le gouvernement a décidé d’avancer à octobre ces élections régionales initialement prévues en décembre : il savait qu’il y aurait un vote de condamnation de ceux qui ont déstabilisé le pays pendant plusieurs mois, d’où les nombreux slogans appelant à la paix et à la démocratie.

L’élection a également mis en évidence le fait que les votes pour l’opposition sont allés aux secteurs les moins radicalisés en son sein, aussi bien lors des primaires que lors de l’élection elle-même. Les secteurs radicalisés, sanctionnés par le vote populaire, se retrouvent donc isolés, ce qui devrait favoriser le dialogue.

Il semblerait qu’un nouveau moment politique s’ouvre au Venezuela, avec un gouvernement consolidé dans les institutions, mais toujours confronté à de grandes difficultés en matière économique et devant faire face à une opposition obligée de se réorganiser si elle veut participer à l’élection présidentielle de l’année prochaine.

 

Cet article a été publié le 18 octobre 2017 sur le site du quotidien Página 1

Traduction : Rosa Gutierrez





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