Chroniques du mois

Chronique - janvier 2009

« Unis dans le chômage de masse » ?

dimanche 4 janvier 2009   |   Bernard Cassen
Lecture .

Le semestre de présidence française de l’Union européenne (UE) aura été marqué par le retour des Etats dans la conduite des affaires communautaires. La raison principale n’est pas l’activisme de Nicolas Sarkozy, mais bien un constat d’impuissance des deux institutions supranationales de l’UE, la Commission et le Parlement : face aux problèmes posés par la crise systémique du capitalisme qui frappe l’Europe et les autres continents à partir de l’épicentre des Etats-Unis, ces institutions n’ont ni la légitimité démocratique ni les moyens politiques et financiers pour réagir avec efficacité. Et même l’arrogante Banque centrale européenne a dû, dans sa gestion des taux d’intérêt, accompagner un mouvement sur lequel on ne lui a pas demandé son avis.

Il n’y a pas (ou il y a peu) de réalité européenne homogène dans un ensemble de 27 Etats. Il y a des situations nationales très diverses, et qui, en conséquence, appellent des réponses spécifiques. Au cours de ces dernières années, et sur le modèle des Etats-Unis, la croissance de l’Espagne et du Royaume-Uni a reposé sur une économie phagocytée par la finance : en raison de la stagnation, voire de la baisse des revenus du travail dans le partage de la valeur ajoutée, elle est fondée sur un endettement massif des ménages dans les crédits hypothécaires. Cet endettement s’élève à plus de 100 % du produit intérieur brut (PIB).

Si l’on ajoute la dette publique et celle des entreprises, l’endettement total de l’Espagne représente 227 % du PIB, et celui du Royaume-Uni 224 %, contre 181 % pour la France et 192 % pour l’Allemagne. Combien de journalistes et d’économistes se sont extasiés devant les « miracles » de la croissance britannique ou espagnole, en omettant de signaler (ou en ne comprenant pas eux-mêmes) que chacune d’elles reposait largement sur des bases artificielles : essentiellement le pari dangereux d’une augmentation sans fin des prix de l’immobilier ! En revanche, la croissance de l’Allemagne (comme celle du Japon) a reposé non pas sur la consommation intérieure, mais sur ses exportations et sur sa capacité à dégager des excédents commerciaux.

Les tentatives de réponse à la crise ne pouvaient donc pas être les mêmes à Berlin et à Madrid et Londres, ce qui explique en partie pourquoi Angela Merkel a été plus que réticente à un plan de relance européen global qui unifierait des situations disparates d’un pays à l’autre. La Chancelière est hostile, du moins dans l’immédiat, à une relance de la consommation intérieure par la baisse de la TVA (comme celle décidée au Royaume-Uni par Gordon Brown) au motif que qu’elle ne réglerait pas les problèmes structurels de la baisse de la demande mondiale de produits industriels allemands.

Si les facteurs de la crise sont d’une grande diversité au sein de l’UE, les conséquences, elles, vont être identiques partout : une récession de grande ampleur se traduisant par un bond du chômage. Ainsi, en Espagne, 900 000 disparitions d’emplois sont prévues en 2009 dans le secteur de l’immobilier et du bâtiment. En Allemagne, également pour 2009, on annonce 500 000 chômeurs supplémentaires dans l’industrie. Si ces hypothèses se confirment, la devise de l’UE « Unis dans la diversité » devra se lire, dans les mois à venir, « Unis dans le chômage de masse ». C’est alors que se posera la question politique d’une remise en cause fondamentale des politiques européennes quand aura été constatée l’incapacité des mesures sectorielles actuellement annoncées à relancer la croissance et l’emploi.





A lire également