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Chronique - février 2009

Information ou propagande ?

vendredi 6 février 2009   |   Bernard Cassen
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Y a-t-il une seule Europe possible, l’actuelle ? Les peuples ne sont pas tous de cet avis. Dans trois des pays où a eu lieu un référendum, ils ont dit « non » à cette Europe-là : en France et aux Pays-Bas en 2005, en Irlande en 2008. La réponse des gouvernements et des institutions européennes à ce triple camouflet a été simple : les peuples ont « mal » voté parce qu’ils étaient mal informés des « bénéfices » que leur apporte l’Union européenne (UE). Les dirigeants européens en ont tiré deux conséquences : d’une part, ne tenir aucun compte des résultats de ces scrutins ; d’autre part intensifier les efforts d’ « explication » des politiques de l’UE.

Le premier objectif a été atteint en France et aux Pays-Bas en faisant ratifier par la voie parlementaire un texte - le traité de Lisbonne - à 98 % identique à celui sur la « Constitution européenne » rejeté par les électeurs. Pour l’Irlande, un tel tour de passe-passe étant constitutionnellement impossible, les citoyens de la République devront revoter avant la fin de l’année 2009. Le second objectif - persuader les citoyens du bien-fondé des politiques européennes – n’est pas atteignable directement. Il y a peu de chances, en effet, de mobiliser la majorité des populations en faveur du dumping fiscal et social, du démantèlement des services publics et des libéralisations en tout genre qui constituent l’ordinaire de l’activité communautaire.

L’astuce consiste à faire adhérer les citoyens à des principes européens plus généraux, tels que la démocratie, la paix, le rapprochement des peuples, le développement durable, l’emploi, etc., qui seraient mieux garantis par une intégration toujours plus poussée au sein de l’UE. L’approbation de ces principes équivaudra alors implicitement à l’approbation de politiques réellement existantes qui, dans les faits, vont le plus souvent à leur encontre.

Pour mener à bien cette stratégie de communication ou plus exactement de propagande, la Commission européenne dispose de moyens financiers considérables. Une étude de Open Europe [1] les chiffre à 2,4 milliards d’euros en 2008. Cette organisation est composée de grands patrons britanniques eurosceptiques et partisans d’une Europe encore plus libérale qu’elle ne l’est actuellement. Son étude met ainsi sur le même plan le soutien à des actions de relations publiques et l’appui aux programmes d’échanges d’étudiants au sein de l’UE. Ces réserves faites, son rapport constitue une mine d’informations précieuses. On y apprend notamment que, à elles seules, les actions de communication directe de la Commission disposent d’un budget de 206 millions d’euros.

Tout cela pour une « information » dont l’unique objectif est la célébration des bienfaits de l’UE et accessoirement de l’activité de la Commission qui se prétend par ailleurs « à l’écoute » des citoyens. Pourquoi alors ne préconise-t-elle pas la tenue de référendums pour leur donner la parole ? D’autant que ces scrutins sont des vecteurs privilégiés de l’information sur l’UE, comme l’atteste une étude récente [2] : en France, en Irlande et au Danemark, pays où le « non » l’a emporté lors de référendums, les personnes interrogées pouvaient répondre correctement à deux fois plus de questions sur les institutions européennes qu’en Allemagne, Belgique et Italie, pays sans référendums. Faut-il en conclure que l’UE ne gagne pas à être mieux connue ?

 





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