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Gunter Holzmann

(Breslau, 1912 – Santa Cruz, 2001)

jeudi 13 mars 2008   |   Ignacio Ramonet
Lecture .

Pour nous, à Mémoire des luttes, il était un repère, une référence, un ami et un modèle. Depuis ce jour du milieu des années 1990 où nous avions reçu une curieuse lettre, en provenance de Bolivie. Son signataire, Gunter Holzmann, nous disait qu’il avait bien connu Hubert Beuve-Méry (fondateur du Monde diplomatique en 1954), et qu’il souhaitait nous aider. Passé un moment de perplexité, nous nous sommes demandés : « Qui est ce Gunter Holzmann ? »

A Santa Cruz, où il habitait, et où nous sommes allés le voir, il nous raconta sa stupéfiante traversée du siècle [1] . Né à Breslau (aujourd’hui Wroclaw, en Pologne), dans la Silésie alors allemande, en 1912, au sein d’une famille juive très patriote, Gunter fut brutalement confronté, dès le début des années 1930, à la montée du nazisme [2]. Décidé à rendre coup pour coup, il fonda alors un groupe antifasciste et affronta, avec un courage exceptionnel, les jeunesses hitlériennes. Persécuté par la Gestapo, Gunter plongea dans la clandestinité. Arrêté et torturé, il fut expulsé de l’université au nom des lois antijuives de 1935. Et dut poursuivre ses études de médecine à Cambridge, en Angleterre. Fiché par la Gestapo, ses retours en Allemagne devenaient de plus en plus dangereux. Il risquait de se retrouver dans un camp, où une partie de sa famille avait déjà été déportée.

Contraint de s’exiler, il se retrouve, par les hasards de la vie, d’abord au Pérou puis en Bolivie. Et découvre l’Amérique latine, ses patrimoines culturels et naturels, ses profondes inégalités sociales. Il entreprend alors une seconde vie en défense des cultures indigènes, de l’environnement et des déshérités. Dès les années 1950, il devient l’un des pionniers de la lutte écologique à laquelle il consacrera les dernières années de sa vie.

En première ligne de front, Gunter Holzmann aura ainsi livré les deux grands combats du XXe siècle : contre les fascismes au cours de la première moitié, et pour la défense de l’environnement dans la seconde.

L’aide financière qu’il a généreusement apportée au Monde diplomatique a permis à ce journal de mieux protéger son identité en se constituant en société. Et à son équipe – rassemblée au sein de l’Association Gunter Holzmann – d’en devenir l’un des trois actionnaires et le garant principal de l’ indépendance de sa ligne éditoriale.

Il a aussi souhaité voir la création d’une association dont il a proposé le nom – Mémoire des luttes – dont le but serait de rappeler les combats sociaux du passé, de soutenir ceux d’aujourd’hui et de préparer les enjeux de demain.

C’est dire si notre dette à son égard est immense. Comme l’est également la douleur ressentie lorsque nous avons appris la nouvelle de son décès, le 6 janvier 2001. Il demeure pour nous un exemple de générosité, d’altruisme, de volonté politique et de solidarité internationaliste.




[1On lira son autobiographie in Gunter Holzmann, On dit que j’ai survécu quelque part au-delà des mers…, La Découverte, Paris, 1996.

[2Lire Gunter Holzmann, « J’ai assisté à la montée du nazisme », Le Monde diplomatique, mai 1995.



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