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Dans le miroir de l’Amérique latine…

mercredi 20 mai 2009   |   Bernard Cassen
Lecture .

L’ignorance de la plupart des responsables des partis politiques français [1] sur les profondes transformations en cours dans plusieurs pays d’Amérique latine - en particulier en Bolivie, en Équateur et au Venezuela - est confondante. Mais elle n’est pas fortuite, dans la mesure où elle permet à certains d’entre eux, à gauche, d’éviter d’expliquer pourquoi ils ont, eux, renoncé à changer leur société.

Dans cette posture d’indifférence calculée, ils sont confortés par la désinformation pratiquée en permanence par les grands médias. Si, à en croire ce que ces derniers disent ou écrivent, Hugo Chavez est vraiment un tyran, si Rafael Correa et Evo Morales (respectivement au pouvoir en Équateur et en Bolivie) sont des « populistes » éhontés, alors, effectivement, il n’y a rien à apprendre des expériences menées dans leurs pays. Si, en revanche, on constate que chacun de ces trois présidents a été élu ou réélu dans les plus strictes conditions démocratiques ; que, à Caracas, La Paz et Quito, les médias sont très majoritairement d’opposition ; que les gouvernements respectifs ont entrepris de récupérer leurs ressources naturelles afin de redistribuer la richesse nationale au profit des plus démunis ; qu’ils ont éradiqué l’analphabétisme et qu’ils créent des systèmes de santé et d’éducation gratuits pour tous ; qu’ils mettent en place des dispositifs d’intégration régionale [2] rompant avec les diktats néolibéraux du Consensus de Washington, du FMI et de l’OMC, alors, oui, il y aurait peut-être motif à se demander pourquoi ce volontarisme politique, appuyé par de fortes mobilisations populaires, est possible là-bas, dans des petits pays, et pas ici.

La gauche dite de gouvernement préfère ne rien savoir de ces avancées démocratiques et sociales pour ne pas avoir à se regarder dans leur miroir. Elle a en effet organisé son impuissance politique en approuvant des traités européens qui valent condamnation au néolibéralisme à perpétuité. Envoyer des « experts » aux États-Unis pour étudier les recettes de la victoire d’Obama, voilà un grand projet qui passionnera les citoyens. Se rendre sur ces terres bolivariennes des Amériques pour voir de près comment, avec des hauts et des bas, des peuples mettent le projet politique au poste de commandement, voilà qui serait autrement plus dépaysant…




Article publié sur le site de l’Humanité


[1Ce n’est pas le cas au PCF, au Parti de gauche et au NPA.

[2En particulier l’Alternative bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), un fonds de stabilisation et de réserve accompagné d’une monnaie virtuelle commune, le sucre. Pour plus d’informations, consulter le site www.medelu.org



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