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Hommage à François Houtart

lundi 12 juin 2017   |   Mémoire des luttes
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François Houtart est décédé le 6 juin à l’âge de 92 ans à Quito, en Equateur. Sa disparition endeuille non seulement les mouvements sociaux belges, mais aussi toutes les forces progressistes et altermondialistes des cinq continents.

Prêtre, universitaire, écrivain, intellectuel brillant et rigoureux, lutteur de terrain au service des opprimés, François Houtart était aussi un modèle de gentillesse et d’attention à autrui. En 2009, il avait reçu le prix de l’Unesco Madanjeet Singh de la promotion de la tolérance et de la non-violence « pour ses efforts exceptionnels afin de promouvoir la justice sociale dans le monde ».

En 1976, il avait fondé à Bruxelles le Centre tricontinental (CETRI), puis, en 1994, la revue Alternatives Sud. En France, il était bien connu de tous les militants des mouvements sociaux. Ses ouvrages et ses contributions, entre autres au Monde diplomatique et au site de Mémoire des luttes faisaient autorité.

Mémoire des luttes salue la mémoire d’un ami, d’un homme exceptionnel par la permanence et la force de ses engagements en vue de la construction d’un « autre monde possible », pour reprendre le mot d’ordre des Forums sociaux mondiaux (FSM) dont il fut une figure marquante.

Nous donnons ci-dessous la parole au directeur et au président du CETRI qui ont bien connu François Houtart au quotidien. Nous partageons leur émotion.

Mémoire des luttes, 10 juin 2017

Une figure des luttes pour l’émancipation des peuples

Par Bernard Duterme, directeur du CETRI

François Houtart nous a quittés. Le Centre tricontinental, qu’il a fondé en 1976 et dirigé jusqu’en 2004, est en deuil. Douloureusement en deuil. Du tiers-mondisme à l’altermondialisme, de la théologie de la libération à l’écologie de la création, François Houtart aura été et restera à jamais une figure des luttes pour l’émancipation des peuples. Une référence, une voix et un cœur pour des centaines de milliers de personnes à travers le monde, en particulier en Asie, en Afrique et en Amérique latine, des chefs d’État au plus humble des paysans sans terre.

Mieux que la liste sans fin de ses travaux, de ses écrits, de ses interventions, cours et conférences, de ses voyages, de ses titres, prix et reconnaissances, ce sont les qualités de François qui le définissent le mieux. Et d’abord, son obstination, son énergie et sa disponibilité.

Son obstination à prendre systématiquement le parti des dominés, des aliénés, des marginalisés, en mettant inlassablement au jour – scientifiquement et politiquement – les mécanismes de la domination, en les dénonçant et en promouvant des alternatives d’organisation sociale égalitaire et respectueuse de l’environnement.

Son énergie de tous les instants, son infatigable entrain. C’est peu dire qu’il ne ménageait pas ses efforts, qu’il ne comptait pas son temps. Jamais il ne s’est arrêté d’agir, jusqu’à quelques heures avant de s’éteindre, épuisé… pour la première fois.

Sa disponibilité à toute épreuve, son accessibilité permanente. Jamais dérangé, toujours prêt à accueillir, à écouter, à parler, à s’engager dans une nouvelle démarche, dans un nouveau combat pour plus de justice.

François était aussi la conscience – sociologique – de la prégnance des rapports sociaux, des déterminismes sociaux, qui le rendait lucide et humble sur sa propre trajectoire. « Né dans une famille pauvre d’une région reculée d’Inde, du Mali ou du Nicaragua, je n’aurais pas disposé des ressources sociales, culturelles, symboliques qui m’ont ouvert le chemin », osa-t-il au milieu de ses proches lors d’un anniversaire il y a quelques années. Encore fallait-il choisir, comme il l’a fait mieux que quiconque, le chemin de la dénonciation des injustices, de la libération des opprimés.

 

Une immense lumière d’espérance s’est éteinte

Par Guy Bajoit, président du CETRI

Cher François.

Je te croyais indestructible, inaltérable. Je te voyais déjà centenaire, je l’espérais, j’en étais sûr. Il m’a fallu quelques heures et plusieurs messages de confirmation pour parvenir à y croire. ¡ Qué pena  ! Ainsi, l’immense lumière d’espérance que tu jetais sur le monde s’est éteinte. Tu as été pour moi l’être humain le plus humain que j’aie connu.

On ne m’ôtera pas de l’idée que tu as dû mourir d’épuisement : à force de dépenser toute ton énergie à te battre pour soulager les misères du monde, pour protéger les damnés de la terre de la cruauté et de l’égoïsme de leurs semblables. Toujours à l’écoute, toujours en action, toujours solidaire des dominés, dans tous les coins de la terre ! Ton engagement aura été, depuis un demi-siècle, l’exemple que, bien sûr, je ne suis jamais parvenu à imiter, mais qui m’a toujours inspiré et donné du courage. Je te remercie pour cela et je te promets d’essayer encore de suivre le chemin que tu as tracé, du mieux que je pourrai, pendant le temps qui me reste avant de te rejoindre.

 





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