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Chroniques desde Lima

mardi 20 mai 2008   |   Christophe Ventura
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A la veille de l’ouverture du cinquième Sommet Union européenne (UE) / Amérique latine/Caraïbes, la ville de Lima digère les arrivées incessantes des délégations officielles des 60 pays qui seront représentés le 16 et le 17 mai.

Onze présidents d’Amérique latine et huit chefs d’Etat et de gouvernement européens sont d’ores et déjà sur place. Parmi eux, François Fillon, qui remplacera finalement Nicolas Sarkozy pour l’évènement, espère faire avancer le dossier Ingrid Betancourt.

Un dispositif policier et militaire impressionnant, calqué minutieusement sur celui de la « zone rouge » expérimenté à Gênes en 2001 lors de la réunion du G 8, continue à se déployer. Le centre ville est totalement bloqué et l’accès au lieu de la réunion (le Musée de la Nation) est strictement encadré. Les fouilles et contrôles se multiplient en ville.

La ronde des réunions informelles et bilatérales entre les gouvernements a également commencé. L’Allemagne et la Pologne annoncent déjà avoir signé des accords commerciaux avec le Brésil ou le Pérou.

En réalité, cette dimension du Sommet est la plus importante et la plus concrète, mais également la moins transparente. Le Brésil compte utiliser l’espace offert pour « vendre » les agrocarburants comme alternative « crédible  » et « soutenable » à la crise énergétique. C’est le sens des propos que développe le président Lula depuis deux jours à Brasilia et aujourd’hui même à Lima lors de sa conférence de presse. Le président brésilien est activement soutenu dans sa démarche par plusieurs de ses homologues européens, dont Angela Merkel. Cette dernière s’est déclarée disposée à augmenter l’utilisation des agrocarburants pour les besoins allemands.

De son côté, le gouvernement péruvien communique tous azimuts sur l’opportunité pour le pays de recevoir un tel Sommet pour son image et sa prospérité économique.
Alors que le président Bolivien, Evo Morales, a vivement critiqué hier le modèle de coopération néolibérale que prétend promouvoir l’Union européenne avec l’Amérique latine et les gouvernements latinos qui le soutiennent (la Colombie et le Pérou), le président Alan Garcia a, quant à lui, déclaré sa flamme à l’UE : « C’est un message d’union que nous donne l’Europe, l’intégration est un projet économique qui génère l’emploi ».

C’est précisément cette affirmation et quelques autres relatives aux prétendus projets de coopération en matière environnementale [1] qui sont remises en cause au sein du Sommet des peuples qui se tient du 13 au 16 mai.

Plus de 5 000 inscriptions ont été déjà enregistrées, alors que le lieu où se déroule cet évènement se situe en dehors du centre de la ville. La session du Tribunal permanent des peuples fait salle comble toute la journée. Les dénonciations des multinationales européennes et de leurs agissements en termes de violations droits de l’homme, d’actions anti-syndicales, de destruction de l’environnement, de corruption politique, etc., combinent la rigueur de l’investigation et la sensibilisation politique.

Des élus de tout le continent et d’Europe débattent des grands dossiers politiques qui lient les deux ensembles régionaux et les 90 ateliers auto-gérés attirent une forte participation [2], dont une partie non négligeable d’habitants de la ville.

Les composantes du réseau bi-régional Elazando Alternativas considèrent comme un succès le déroulement de ce Sommet après toutes les obstructions et les pressions organisées par le gouvernement péruvien. Il s’agit effectivement d’une belle réussite. La réflexion sur la question de savoir comment renforcer ce processus avec celui des Forums sociaux, notamment du FSE, est à l’ordre du jour des discussions du comité international de préparation.

D’autres évènement vont venir animer Lima dans les prochaines heures. Les représentants de Bolivie, d’Equateur et du Venezuela (on ne sait toujours pas à cette heure si Hugo Chavez sera personnellement présent ou pas) devraient se rencontrer et faire entendre leurs voix dans ce Sommet sur quelques questions vives… par exemple celle relative à la crise des otages colombiens…




[1L’UE va communiquer sur la création d’un fonds – Euroclima–, dont personne ne connaît les objectifs et la nature des projets qui seront financés. En revanche, elle va tenter, dans le cadre de sa vision écologique de marché et de son plan climat-énergie, de vendre les prestations de ses entreprises, d’élargir le système des droits d’émission des gaz à effet de serre, et de promouvoir le savoir faire nucléaire de certains de ses membres

[2Le séminaire sur la question de l’altermondialisme et du post-altermondialisme, co-organisé par Mémoire des luttes, Utopie critique, Espaces Marx et le Forum mondial des alternatives, et auquel ont participé des représentants d’Attac Allemagne, d’Attac Chili, de différentes ONG européennes et de plusieurs partis politiques a mobilisé plus de 200 personnes.



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