Le 16 août, le gouvernement de l’Equateur a accordé l’asile dit « diplomatique » [1] à Julian Assange, actuellement réfugié dans l’ambassade de ce pays à Londres. On sait que le fondateur de Wikileaks, de nationalité australienne, fait l’objet d’une demande d’extradition de la part du gouvernement suédois pour être interrogé sur des faits présumés d’agressions sexuelles. Son avocat, l’ex juge espagnol Baltazar Garzón, considère qu’il s’agit en réalité d’une mesure destinée à déboucher, dans un deuxième temps, sur une extradition aux Etats-Unis où Julian Assange, inculpé d’espionnage, serait alors passible de la peine de mort.
Le gouvernement américain est en effet prêt à tout pour punir celui qui a mis ses secrets diplomatiques, pas vraiment reluisants, sur la place publique, et qui semble avoir beaucoup d’autres révélations à faire. Quant aux gouvernements britannique et suédois, ils n’ont pas la réputation de résister aux injonctions de Washington.
Le gouvernement équatorien a justifié sa décision par un argumentaire juridique extrêmement détaillé. Surtout, il a dénoncé la menace proférée par les autorités britanniques – en violation caractérisée de la convention de Vienne de 1961 – de pénétrer de force dans les locaux de son ambassade pour appréhender Julian Assange. Londres invoque une loi votée par le Parlement en 1987 permettant de révoquer certains privilèges et immunités diplomatiques dans des cas très graves. Elle avait été votée à la suite de l’assassinat d’un policier britannique par un coup de feu tiré de l’ambassade de Lybie. Elle n’a d’ailleurs jamais été appliquée et on mesure le caractère outrancier de son invocation dans l’affaire Assange.
Tout à sa volonté de complaire à Washington, le gouvernement de David Cameron est en train de se mettre à dos toute l’Amérique latine et d’embarrasser ses partenaires européens. Alors que Julian Assange a demandé aux Etats-Unis de mettre un terme à leur « chasse aux sorcières » contre Wikileaks lors d’un discours prononcé le 19 août depuis le balcon de l’ambassade d’Equateur à Londres, l’Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique (ALBA) a publié, la veille, une déclaration politique commune à Guayaquil (Equateur) condamnant fermement les « menaces du Royaume-Uni contre l’Equateur ». Dans cette dernière, les huit Etats membres dénoncent la menace de violation de l’intégrité de la mission diplomatique équatorienne à Londres, réaffirment « le droit souverain de l’Equateur d’accorder l’asile diplomatique au citoyen Julian Assange », et appellent « les gouvernements du monde, les mouvements sociaux, les forces intellectuelles à s’opposer à cette nouvelle prétention du gouvernement britannique d’imposer par la force sa volonté aux nations souveraines du monde ». Les ministres des affaires étrangères des pays membres de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) – qui regroupe les douze Etats d’Amérique du Sud – se sont, pour leur part, exprimés dans le même sens depuis Guayaquil le 19 août. La représentante de l’Equateur à l’Organisation des Etats américains (OEA) a également demandé une réunion d’urgence de cette organisation dont, il faut le rappeler, sont membres le Canada et les Etats-Unis. Cette dernière se tiendra le 24 août.
Autant la solidarité des gouvernements latino-américains et caribéens envers l’Equateur est acquise, autant celle des partenaires de Londres et Stockholm au sein de l’Union européenne va poser quelques problèmes. On observera avec attention l’attitude de l’Espagne, qui se veut un pont entre l’Europe et l’Amérique latine, et celle de la France de François Hollande…
On trouvera ci-dessous le texte complet (en espagnol) de la déclaration du ministre des affaires étrangères équatorien Ricardo Patiño justifiant l’asile diplomatique accordé à Julian Assange,la déclaration commune (en espagnol) des pays de l’ALBA, ainsi que celle de l’Unasur (en espagnol). Des versions en français de ces deux documents sont également proposées. On lira enfin l’analyse (en anglais) de Mark Weisbrot, co-directeur du Center for Economic and Policy Research (CEPR) de Washington, qui rappelle le bilan calamiteux de Washington en matière de respect des droits de l’homme. Il faut savoir que le soldat Bradley Manning, qui avait « fuité » les informations parues dans Wikileaks croupit depuis 800 jours à l’isolement dans une prison de Virginie.