Initiatives

La crise financière internationale vue du Sud. Comment reconstruire un système en faillite

Intervention de Mario Soares *

samedi 1er novembre 2008   |   Mario Soares
Lecture .

* Ancien président de la République portugaise

Je tiens à remercier Ignacio Ramonet, président de Mémoire des luttes, de m’avoir invité à participer à cette conférence “Venezuela : pour une politique européenne indépendante” et à ce débat. Pour entrer dans le vif du sujet, je veux d’abord souligner que la crise actuelle était prévue et annoncée depuis longtemps, mais les dirigeants, les responsables politiques et les entrepreneurs n’ont pas voulu la voir et la reconnaître…

Ce n’est pas seulement une crise financière – dont l’épicentre est situé aux Etats-Unis – mais une crise multiple : économique, énergétique, alimentaire, environnementale, morale et politique. Une crise de civilisation. En un mot, la crise la plus grave du capitalisme dans sa phase financière et spéculative, pire que la crise de 1929 dont nous connaissons les conséquences terribles : montée du nazisme, du fascisme et du salazarisme, guerre d’Espagne, Pacte germano-soviétique et, finalement, la Seconde guerre mondiale, avec toutes ses horreurs.

La première préoccupation des femmes et des hommes de gauche doit être d’éviter que cette crise puisse avoir les mêmes conséquences négatives. C’est un grand danger qu’il nous faut prévenir et éviter. C’est pour cela que je suis attentif depuis longtemps à l’élection présidentielle américaine. Je pense que nous devons parier sur la victoire de Barack Obama qui peut avoir le même effet bénéfique que celle de Franklin Roosevelt en 1933.

Je suis un européen convaincu. Mais, aujourd’hui, je suis très pessimiste quant à l’avenir de l’Union, avec les dirigeants que nous avons aujourd’hui : Nicolas Sarkozy, Gordon Brown, Silvio Berlusconi et même Angela Merkel, la plus consciente des responsables européennes, malgré son conservatisme. Dans la Péninsule ibérique nous avons deux gouvernements majoritaires socialistes – avec Zapatero et Sócrates – mais ils sont soumis à de fortes pressions dans le cadre de l’Union. D’autre part, la gauche européenne - politique, sociale et syndicale -, malgré des efforts sérieux pour se repenser, reste très dispersée, fragile. Elle n’a pas de stratégie d’ensemble, ce qui est grave.

Le temps nous est compté. La crise est globale et c’est seulement dans un cadre global qu’elle peut être combattue. Si, comme je l’espère, Obama gagne le 4 novembre, il disposera peut-être des moyens nécessaires pour renforcer l’ONU et refonder en son sein les institutions financières internationales, ainsi que l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En partant de principes éthiques et juridiques, il pourrait tenter de réglementer la globalisation économique néolibérale, sauvage – principale responsable de cette crise – et de mettre fin aux places offshore et aux paradis fiscaux.

La crise étant globale, le monde est devenu à nouveau multilatéral. C’est une crise du système dans son ensemble, et non pas seulement de l’Amérique et de l’Union européenne. Tous les pôles du monde – et en particulier les pays dits « émergents », tels la Chine, le Brésil, la Russie, l’Inde – doivent participer à sa résolution à travers un dialogue entre égaux et surtout un effort permanent en faveur de la paix.

De ce point de vue, l’Amérique latine a une énorme importance, en premier lieu le Venezuela, compte tenu du rôle courageux du président Hugo Chávez dans sa dénonciation des politiques agressives de l’administration Bush. L’Amérique latine vit en effet, aujourd’hui, ce que j’ai appelé une « révolution démocratique et pacifique » en se libérant de la tutelle centenaire des Etats-Unis. Cela est vrai non seulement du Venezuela, mais aussi de beaucoup d’autres pays d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale. Certains se trouvent dans des conditions structurelles qui les conduisent à gouverner de manière radicale. D’autres, comme le Brésil, le Chili et même l’Argentine, sont plus modérés, mais tous font preuve de la même volonté d’indépendance stratégique vis-à-vis des Etats-Unis.

Il est de l’intérêt de l’Union européenne d’être solidaire avec ces pays d’Amérique latine. Elle a l’obligation de les aider et de contribuer à leur unification face au grand voisin du Nord qui, je l’espère, va changer de cap. On verra en quel sens. Le Portugal et l’Espagne - pays ibériques et européens – doivent être à la pointe de ces combats solidaires.

Pour terminer, permettez-moi une dernière réflexion. Une alliance solide et stratégique entre le Brésil et le Venezuela est d’une grande importance pour l’avenir d’une Amérique du Sud indépendante et intégrée. Parce que je connais bien les Présidents Lula et Chavez - et surtout leurs relations réciproques – je suis sûr que ce processus va s’approfondir et se développer. Je sais aussi que l’Espagne, le Portugal et la France voient avec beaucoup de sympathie cette stratégie globale qui ne peut exclure aucun des pays qui veulent y participer.





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