Paris, le 5 novembre 2009
Monsieur le Cardinal André Vingt-Trois
Chancelier de l’Institut catholique de Paris
Monsieur le Chancelier,
Un groupe de syndicats, partis politiques, associations et organes de presse s’est vivement ému de la remise, le 24 novembre prochain, d’un doctorat honoris causa de l’Institut catholique de Paris au Cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga et à M. Michel Camdessus. Ce groupe s’est constitué en collectif dont il a confié la coordination à l’association Mémoire des luttes.
C’est donc au nom de ce collectif que je m’adresse à vous pour vous demander de reconsidérer la décision de l’Institut de remettre les insignes de docteur honoris causa à ces deux personnalités. L’une et l’autre ont en effet pris des positions en totale rupture avec les aspirations démocratiques et sociales de la société. La distinction dont elles pourraient faire l’objet dans un lieu académique choque profondément les consciences.
A l’initiative du Cardinal Maradiaga, et au mépris de la totalité de la communauté internationale, la Conférence épiscopale du Honduras a pris position en faveur du coup d’Etat contre le président légitime du pays, M. Manuel Zelaya. Le gouvernement légal a d’ailleurs inscrit le nom du Cardinal dans la liste des putschistes qui devront un jour ou l’autre rendre des comptes à la justice.
Le fait qu’un processus de réconciliation, du moins de façade, semble être en cours au Honduras n’exonère en rien le Cardinal Maradiaga de ses responsabilités dans la légitimation du coup de force ni n’excuse son silence sur les multiples violations des droits de l’homme commises par le régime de facto.
Quant à M. Michel Camdessus, il devrait être disqualifié d’emblée par son action à la tête du Fonds monétaire international, dont les politiques ont provoqué des ravages sociaux partout où il est intervenu. Comme a pu l’écrire dans divers médias, et à fort juste titre, M. François Houtart, professeur émérite de l’Université catholique de Louvain et conseiller spécial du Président de l’Assemblée générale de l’ONU en 2008-2009, « s’il existait une Cour pénale internationale pour les crimes économiques, M. Michel Camdessus se trouverait sur le banc des accusés pour crime contre l’humanité ».
C’est donc, selon M. Houtart et aussi selon nous, un « contre-témoignage parfait » que s’apprête à organiser l’Institut catholique de Paris. Ce qui serait vécu comme un scandale par de très nombreux citoyens, chrétiens ou non.
J’espère que ces éléments d’information, dont certains n’avaient sans doute pas été portés à votre connaissance, vous conduiront à remettre en question la cérémonie du 24 novembre.
Pour compléter votre information, je suis à votre disposition pour vous rencontrer, avec deux ou trois autres membres du collectif, à votre meilleure convenance.
Je vous prie, Monsieur le Chancelier, de croire à l’assurance de mes sentiments très respectueux.
Bernard Cassen
Secrétaire général de Mémoire des luttes