L’aide financière promise aux pays en développement à la conférence internationale sur le climat de Copenhague, en 2009, n’est pas au rendez-vous. Et la mince partie disponible ne cible ni les besoins les plus pressants ni les priorités des pays aux prises avec « l’injustice climatique », comme les petites îles du Pacifique ou certaines régions du Bangladesh.
C’est ce qu’ont soutenu plusieurs représentants de pays en voie de développement présents au congrès mondial de CIVICUS (http://www.civicusassembly.org/montreal.php), qui a réuni, du 10 au 12 septembre 2011, plus de 2500 délégués de la société civile internationale au Palais des congrès de Montréal.
Pour Emele Duituturaga-Jale, directrice générale de l’Association des organismes non gouvernementaux des îles du Pacifique (PIANGO), « il y a de l’argent, mais on n’en voit pas la couleur. Jusqu’ici, les pays développés ont versé 1,3 milliard — sur les 30 milliards promis d’ici 2012 — pour financer l’adaptation à ces changements climatiques que nous subissons sans en être les responsables. Mais dans notre cas, cet argent, il nous le faut maintenant, car, chez nous, dans les petites îles, nous sommes en train d’être submergés ».
Elle dénonce le fait que les pays riches préfèrent investir dans les pays en développement dans des projets qui réduisent leur contribution aux changements climatiques plutôt que de les aider à y faire face en adaptant rapidement leurs infrastructures à ces nouvelles menaces. Pourtant, pour eux, dit-elle, l’urgence, c’est de faire face à la menace climatique, pas de lutter contre elle en réduisant une contribution déjà totalement marginale.
La semaine dernière, un câble diplomatique provenant du consulat des États-Unis, publié par WikiLeaks, rapportait que l’argent investi par de grandes firmes occidentales dans des projets de réductions de gaz à effet de serre en Inde avait financé des projets qui se seraient faits de toute façon. En somme des investissements qui n’ont en rien bénéficié au climat, mais seulement à quelques capitalistes bons vendeurs.
Plusieurs représentants de la société civile des pays en développement réclament par ailleurs que les pays occidentaux leur octroient de « l’argent neuf » et non des budgets déjà votés, auxquels on accole une étiquette verte.
« On ne veut pas de prêts non plus, mais des dons » en compensation pour les dommages climatiques attribuables au développement des pays riches. Et on veut que cet argent soit rapidement orienté vers les problèmes particuliers des régions les plus menacées, au moyen, par exemple, de Fonds d’aide régionaux, plutôt que par les grands programmes de la Banque mondiale.
Pour Vitalice Meja, de Reality for Aid Africa, « les règles bureaucratiques actuelles empêchent plusieurs pays aux prises avec des problèmes concrets d’obtenir des fonds à cause des règles souvent inappropriées des programmes onusiens ou de la Banque mondiale. Ces programmes n’utilisent pas assez le savoir et les modes d’intervention des communautés de nos pays. De plus, le Fonds global pour le climat devrait cesser d’être d’abord une occasion d’affaires chez nous pour les grandes sociétés commerciales des pays développés ».
Une étude publiée il y a quelques jours par Bodo Ellmers, du groupe Eurodad, décortique la manière dont les fonds « climatiques » sont dépensés. On y apprend que la moitié des 69 milliards (US) consacrés à ces programmes servent d’abord et avant tout à des achats d’équipements et de services dans des pays extérieurs à ceux qu’on veut en principe aider. Cette aide, qui fait appel en grande partie aux experts de pays occidentaux, serait de 15 à 40 % plus chère que si les mêmes services étaient demandés à des entreprises ou à des consultants locaux.
En 2008, selon cette étude, 67 % des sommes allouées par la Banque mondiale à ces fins ont été réservées aux firmes de 10 pays majeurs. Et quand les pays donateurs s’entendent avec le pays bénéficiaire sur un projet précis, ils exigent généralement une plus grande libéralisation des systèmes d’achats ou des services publics, ce qui leur ouvre un marché facile à dominer en raison de leurs moyens.
Certes, reconnaît cette étude, l’aide aux pays en développement a augmenté considérablement en 10 ans, passant de 54 milliards en l’an 2000 à 129 milliards en 2010. Mais on est toujours loin, souligne-t-elle, du 0,7 % du PIB des pays donateurs, soit la cible officielle de l’ONU.
D’autre part, plusieurs groupes environnementaux et sociaux ont fait état hier de leurs craintes de voir l’énorme Conférence internationale de Rio+20, en juin 2012, dominée par la logique du néolibéralisme alors qu’elle devrait devenir le lieu d’une redéfinition en profondeur d’une « économie verte », par et pour la société civile, au lieu de consacrer la récupération, déjà en partie avérée, du concept de « développement durable » par une économie qui devient sa propre finalité.
Cette troisième édition du Sommet de la Terre, après les conférences de Rio en 1992 et de Johannesburg en 2002, sera consacrée au « développement durable » et non à l’environnement, une problématique qui se retrouvera placée entre celles du développement social et du développement économique.
Pour plusieurs écologistes, dont le directeur de Greenpeace international, Kumi Naidoo, lui-même ancien directeur général de CIVICUS, le danger d’éviter, à Rio, en juin prochain, un véritable bilan des grands enjeux environnementaux — biodiversité et climat — est non seulement une erreur, mais une sorte de démission devant des problèmes dont la gravité et la non-résolution aggravent la pauvreté, la misère et la marginalisation de la société civile qui veut les résoudre en priorité dans le cadre d’une définition claire de la « justice climatique ».
Selon ce concept, de plus en plus défendu dans les pays en développement, ce sont les pays développés, qui représentent 20 % de la population mondiale, mais qui sont responsables de 75 % de l’accumulation historique des gaz à effet de serre dans l’atmosphère terrestre, qui doivent payer pour minimiser les impacts des changements climatiques dans les pays pauvres.
De plus, ont souligné plusieurs, les organismes sociaux et environnementaux qui composent la société civile ont peu d’influence présentement sur l’élaboration du contenu de Rio+20 dans le processus onusien, car leurs forces sont fragmentées et peu coordonnées en comparaison des forces économiques et politiques traditionnelles.