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Chili : la foire aux soldes universitaires

mercredi 19 janvier 2011   |   Jean Ortiz
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J’étais au Chili fin décembre-début janvier, au moment des inscriptions universitaires 2011. De véritables soldes de fin d’année ! Le bout du bout de l’horreur universitaire, si nous ne parvenons pas à inverser le cours des choses ! Le ministère chilien de l’éducation reconnaît que le "marché du supérieur" a réalisé, en 2010, 108 800 millions de pesos (soit 216 millions d’euros) de profits. Le ministre de l’éducation, Joaquin Lavin, présidentiable, appartient à l’Opus Dei, et le président Pinera est présenté (octobre 2009. source Wikileaks) comme un homme qui agit "aux limites de la loi et de l’éthique" par l’ambassadeur des Etats-Unis, Paul Simons..

Dans ce paradis ultralibéral, les 60 universités - la plupart privées - rivalisent de spots à la télé, d’affiches publicitaires géantes, de pages dans les journaux, sur le thème : "Venez chez nous, nous sommes les meilleurs". Il faut vraiment le voir pour le croire.

Un seul exemple : dans le très réactionnaire quotidien El Mercurio du 2 janvier, la faculté de sciences de l’éducation se paie une page de pub pour vanter sa "passion pour l’éducation". L’université Andrés Bello s’offre deux pages pour promouvoir ses 63 filières et 7 000 bourses différentes "pour un Chili meilleur".

Les bacheliers passent une épreuve de sélection universitaire, dite PSU. Les "gagneurs" ont le tapis rouge... Le problème, c’est que les journaux reconnaissent que la quasi totalité d’entre eux proviennent d’établissements privés, aux noms anglais, et des quartiers et villes riches. La PSU creuse un fossé vertigineux entre jeunes et établissements. Ce sont les lycéens des établissements municipaux et publics qui n’arrivent pas aux 450 points nécessaires... Les "gagneurs" sont véritablement racolés. L’Université San Sebastian étale dans El Mercurio les mérites de son bilan 2010, avec photos glamour à l’appui et une fête pour les nouveaux diplômés, dont la pub souligne le "look parfait". Toujours le 2 janvier, l’UDLA vante ses bourses au mérite et proclame : "ton objectif est le nôtre".

Les droits d’inscription vont de quelques centaines à quelques milliers de dollars en équivalent pesos : 3,5 millions de pesos (7 000 euros) par an pour la faculté de médecine. Dans la rue, les étudiants les moins fortunés font la manche, vendent quelques poèmes... Vu à Santiago !

Le Chili avait jadis un service public d’enseignement supérieur considéré comme un modèle pour l’Amérique latine et les enseignants un statut en béton (cent articles). Tout cela a été liquidé. Depuis plus de vingt ans, l’enseignement est "municipalisé", forme chilienne de la privatisation.. Les "mauvais » professeurs (5% après "évaluation") sont licenciés par les potentats locaux, véritables "Pinochet de poche" selon le syndicaliste Carlos Poblete. Les salaires sont liés au "rendement". Le gouvernement a mis en discussion au Parlement une nouvelle réforme, élaborée par "consensus" avec le Parti socialiste et la Démocratie chrétienne. Une "révolution" selon le président Pinera, et le "coup de grâce" selon les syndicalistes".





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