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Crise de la mondialisation : le temps des BRICS est venu

vendredi 2 décembre 2016   |   Emir Sader
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Quand le bloc occidental, mené par les Etats-Unis, a remporté la guerre froide, il affirmait que l’histoire avait atteint sa destination finale. Il y’aurait des bouleversements mais circonscrits au cadre de l’économie de marché capitaliste et de la démocratie libérale. C’était la fin de l’histoire.

La mondialisation néolibérale se chargeait de rendre universel ces schémas économiques et politiques. La Pax americana s’imposait. Mais le passage d’un monde bipolaire à un monde unipolaire sous hégémonie impérialiste nord-américaine n’a amené ni la paix, ni le développement économique. Au contraire, les zones de guerre se sont multipliées et la récession économique s’est mondialisée.

La crise récessive qui a débuté en 2008 est propre au système. Elle n’a pas de dates de fin ni de solution de sortie. Les politiques d’austérité menées par tous les pays européens sont des machines à produire de l’instabilité sociale et politique. Ce qui délégitime les systèmes et les partis politiques traditionnels.

Le Brexit a été une expression évidente du malaise provoqué par la mondialisation. L’élection de Donald Trump n’étant qu’une confirmation. Le rejet des effets de la mondialisation néolibérale s’est généralisé. Les gouvernements et partis qui persistent à suivre cette direction sont systématiquement battus. La crise d’épuisement de la mondialisation va de pair avec celle de la démocratie libérale. Celle-ci perd de la légitimité en n’exprimant pas les sentiments de la majorité de la population.

La fin de l’histoire a terminé en réalité en fin du néolibéralisme avec comme perspective le dépassement de ce dernier par les BRICS. Plus qu’un simple regroupement de pays, les BRICS ont commencé à dessiner un nouvel ordre économique, politique et international visant à remplacer celui construit à la fin de la seconde guerre mondiale représenté par la Banque mondiale, le FMI et le dollar.

Quand la mondialisation montre ses limites, elle condamne ses économies à un ralentissement sans fin et provoque la crise des systèmes politiques intégrés en son sein. C’est une période historique qui se termine. Nombreux étaient ceux à évoquer une supposée fin de cycle des gouvernements progressistes en Amérique latine mais ce qui se joue en réalité est une fin de cycle du système lui-même. C’est le sens des événements comme la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne ou la remise en cause des traités de libre-échange et d’autres piliers de la mondialisation par Donald Trump.

La mondialisation s’est épuisée sans qu’elle n’ait réussi à retrouver la croissance. Elle a institué, au contraire, la récession à l’échelle mondiale. Elle n’a pas non plus réussi à réduire les conflits dans le monde entier. Elle les a multipliés.

Le monde qui surgit du Brexit, de l’élection de Trump, de la profonde crise de l’Union européenne, et surtout des BRICS est un monde de transition. Transition entre la mondialisation menée par les Etats-Unis et son modèle néolibéral d’une part, et le pari d’une remise en marche du développement, d’une résolution négociée des conflits internationaux, d’un renforcement des Etats nationaux, des processus d’intégration régionale et des échanges Sud-Sud d’autre part.

Le moment est plus que jamais venu pour l’Amérique latine d’approfondir son processus d’intégration et surtout de se rapprocher des BRICS, de leur Nouvelle banque de développement et de leur fond commun de réserves. C’est un retour en arrière que de chercher à renouer avec les Etats-Unis. C’est se condamner à la récession, et s’éloigner des foyers dynamiques de l’économie mondiale. A l’image de ce qui s’est déroulé dans les années 1990, c’est devenir de nouveau insignifiant.

Au moment précis où la mondialisation et son modèle néolibéral s’épuisent à l’échelle mondiale, l’Argentine et le Brésil renouent avec ce modèle, après son échec retentissant dans ces pays dans les années 1990. Encore une preuve qu’il s’agit d’options contraires à la dynamique du monde au 21ème siècle.

 

Source : ALAI AMLATINA, 16/11/2016

Traduction : Fanny Soares





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