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Derrière le silence et la désinformation médiatiques sur le coup d’Etat au Honduras

mercredi 22 juillet 2009   |   Christophe Ventura
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Rien n’y fait. Le Honduras et le régime de coup d’Etat qui s’y est mis en place le 28 juin - le premier en Amérique centrale depuis la fin de la guerre froide - n’intéressent que très moyennement les médias dominants. Et quand ils s’y intéressent, c’est souvent pour relayer les arguments des putschistes et pour jeter un voile pudique sur les exactions et les atteintes aux libertés fondamentales perpétrées par le gouvernement « de fait ». Tout se passe comme si le président constitutionnel Manuel Zelaya avait franchi une ligne rouge en faisant adhérer son pays à l’Alliance bolivarienne des peuples des Amériques (ALBA). Cela l’a converti ipso facto en « chaviste », et donc en suspect contre lequel tous les coups sont permis ou pardonnables.

Ce coup d’Etat – qui s’est déjà soldé par l’assassinat de plusieurs militants et dirigeants de mouvements populaires, l’arrestation de dizaines d’autres, et qui a imposé la censure médiatique et la restriction des libertés publiques et individuelles dans le pays - a des implications bien au-delà des frontières du Honduras. Il vise à reconfigurer la géopolitique régionale.

Le régime putschiste du « président » Roberto Micheletti apparaît comme la préfiguration d’une tentative de reprise en main du sous-continent par les forces de droite et les oligarchies locales. Et cela avec le soutien direct de certains éléments du Pentagone et de l’administration des Etats-Unis présents sur place. Il s’agit de fragiliser l’ensemble des processus démocratiques et sociaux qui ont porté ces dernières années au pouvoir des gouvernements de rupture avec le modèle néolibéral et avec la traditionnelle domination des Etats-Unis et de leurs relais réactionnaires en Amérique latine. Ces gouvernements (Bolivie, Equateur, Nicaragua, Venezuela) se retrouvent au sein de l’ALBA.

Mais le coup de semonce du Honduras vaut aussi pour le Guatemala et le Salvador où ont été élus des présidents de centre-gauche. Dans ces pays aussi, il existe un risque de renversement violent des gouvernements en place dont les mouvements sociaux sont bien conscients. Rafael Alegria, dirigeant hondurien du mouvement international paysan La Via Campesina directement impliqué dans les mobilisations populaires au Honduras, affirme que si « cette situation de confrontation peut se régionaliser (…), les mouvements sociaux au Nicaragua, au Salvador, au Costa Rica, au Guatemala sont unis dans cette lutte de résistance ».

Les enjeux sont considérables pour l’avenir de la démocratie en Amérique latine. Une victoire des putschistes et le moindre assouplissement de la position de la « communauté internationale » face au gouvernement « de fait » équivaudrait à un feu vert donné aux autres oligarchies latino-américaines pour tenter de renverser les gouvernements démocratiquement élus du continent. En tête de liste : la Bolivie, le Paraguay et le Venezuela, pays qui font régulièrement face à des tentatives de déstabilisation des droites et de leurs alliés extérieurs.

De ce point de vue, on ne peut que saluer la décision de l’Union européenne (UE) – tardive mais salutaire –, annoncée par la commissaire européenne aux relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner, de geler 65,5 millions d’euros de crédits européens destinés à l’aide budgétaire, c’est-à-dire à l’administration de l’Etat hondurien ( sur les 127,5 prévus pour 2010) aujourd’hui soumise au gouvernement “de facto”. Cette première mesure concrète reste toutefois très limitée. Elle ne concerne pas l’ensemble des aides (fixées à 223 millions d’euros pour la période 2007-2013) et ne s’accompagne pas de véritables sanctions économiques et commerciales.

Par ailleurs, l’UE a annoncé, mardi 21 juillet, « la restriction des contacts politiques avec les représentants du gouvernement « de facto » ». C’est une bonne chose. Toutefois, ici encore, elle ne remet toujours pas en cause les procédures de facilités commerciales (soumises au respect des conventions internationales en matière de droits de l’homme) qui la lie au Honduras.

L’ensemble de ces mesures ont été prises après que le régime putschiste ait annoncé, le 19 juillet, son refus d’accepter les propositions du président du Costa-Rica, Oscar Arias, dont la médiation avait été souhaitée par la secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Hillary Clinton, et acceptée par Manuel Zelaya.

Car, et ce point n’est pas secondaire dans la situation, ce coup d’Etat est aussi un test majeur pour le gouvernement de Barack Obama. Il a été ouvertement encouragé, sinon provoqué par la droite américaine et une partie de son administration et de son armée qui cherchent à l’affaiblir sur le plan intérieur en le poussant à « choisir » entre les alliés et les intérêts politiques et économiques traditionnels des Etats-Unis, et le soutien à un président « coupable » de relayer le péril « chaviste ». Le président des Etats-Unis et sa secrétaire d’Etat Hillary Clinton sont maintenant au pied du mur. Ils doivent désormais démontrer que leur dénonciation du coup d’Etat au Honduras n’est pas de pure façade, mais qu’elle est suivie d’effets et d’engagements : sanctions économiques et commerciales, gel des avoirs financiers des putschistes aux Etats-Unis, etc.

Hillary Clinton s’est directement entretenue, le 19 juillet, avec Roberto Micheletti afin de le mettre en garde contre les conséquences de son refus d’accepter les propositions du plan de médiation. Elle a menacé le président « de fait » d’une suspension des aides des Etats-Unis. On comprend pourquoi. Ce plan, élaboré par l’homme de confiance de Clinton qu’est Oscar Arias, assurait une participation des putschistes à un gouvernement de « réconciliation nationale », limitait le pouvoir du président Zelaya pour la fin de son mandat, l’engageait à ne pas organiser « la quatrième urne » lors des prochaines élections nationales (lire « Coup d’Etat au Honduras », http://www.medelu.org/spip.php?article236) et actait l’avancement d’un mois de ces dernières. En d’autres termes, il était extrêmement avantageux pour le régime illégitime. Quant à lui, Manuel Zelaya était prêt à l’accepter comme point de départ pour les discussions. Et pourtant, les putschistes ont refusé d’abandonner le moindre centimètre de leur pouvoir acquis dans le sang et viol de la démocratie.

Il s’agit d’un camouflet pour Hillary Clinton, et il lui est difficile, dans ces conditions, de ne pas réagir, au moins verbalement. Il faudra attendre les prochains jours pour voir si ces menaces se traduisent concrètement.

Alors qu’Oscar Arias évoque désormais le risque d’une « guerre civile » au Honduras, suite à l’obstination du gouvernement « de fait », le mouvement populaire se mobilise à Tegucigalpa et à l’intérieur du pays. Le Front national de résistance contre le coup d’Etat, qui rassemble de nombreuses organisations, dont les trois principaux syndicats du pays (la Centrale générale des travailleurs – CGT –, la Confédération des travailleurs du Honduras – CTH –, et la Confédération unitaire des travailleurs du Honduras – CUTH), vient d’annoncer des grèves générales les 23 et 24 juillet.

Le retour au Honduras de Manuel Zelaya – qui n’a jamais été aussi populaire, et qui a habilement anticipé la position des putschistes dans la négociation - ne concerne pas uniquement sa propre personne, mais bel et bien l’avenir de la démocratie en Amérique latine.

Il vient de l’annoncer possible à partir du mercredi 22 juillet, date à laquelle prendra fin le délai demandé par Oscar Arias pour convaincre les putschistes d’accepter son plan.





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