Dans la perspective du référendum du dimanche 15 février au Venezuela, la campagne médiatique contre Hugo Chavez a pris des proportions nationales et internationales que l’on n’avait pas connues depuis longtemps.
On le sait, ce référendum portant sur un amendement à la Constitution, permettra (ou non) à tous les élus régionaux et nationaux, dont le président de la République, de se présenter à des élections sans limitation de nombre de mandats. C’est-à-dire exactement la situation qui existe en France pour les députés, sénateurs, conseillers municipaux, généraux et régionaux, etc. C’était également le cas pour la présidence de la République jusqu’à la réforme constitutionnelle de l’an dernier, qui fixe le plafond à deux mandats.
Dans le reste de l’Europe, où le pouvoir exécutif est exercé par un premier ministre (et non pas par le chef de l’Etat), la non limitation du nombre de mandats est la règle : en Espagne, José Luis Zapatero peut rester président du gouvernement aussi longtemps que les électeurs lui feront confiance. Idem pour Angela Merkel en Allemagne, Gordon Brown au Royaume-Uni, Silvio Berlusconi en Italie, etc. Pour Hugo Chavez, pas plus que pour les personnalités précitées, il ne s’agit nullement d’instaurer une prétendue « présidence à vie », mais simplement de disposer du droit d’être candidat « à vie ». Mais sans garantie d’être élu !
L’opposition vénézuélienne, virulente, se concentre principalement sur les thèmes nationaux pour appeler au « non » au référendum. Pour l’appuyer de l’extérieur, certains de ses relais américains et européens, eux, ont décidé de jouer à fond la carte « Chavez antisémite ». Cette carte a peu d’échos directs au Venezuela où l’antisémitisme n’a aucune racine historique, mais tout commentaire négatif de l’étranger sur ce sujet sensible est aussitôt répercuté dans les grands médias locaux pour tenter de discréditer le président en exercice.
Deux prétextes sont utilisés : d’une part, l’expulsion de l’ambassadeur d’Israël en réaction aux crimes de guerre (pour reprendre la qualification qu’en fait Stéphane Hessel) commis par l’Etat hébreu à Gaza ; d’autre part, la profanation d’une synagogue, intervenue dans la nuit du 30 au 31 janvier. Un faux grossier, présenté comme un discours de Chavez, et qui n’a rien à envier aux Protocoles des Sages de Sion, circule dans toute l’Amérique latine. Il commence ainsi : « Nous, les chavistes, nous méprisons les juifs, et nous ne reconnaissons pas l’Etat d’Israël, pas plus que quelque organisation nationale et internationale juive que ce soit ». Le Washington Post du 12 février, section A 16, titre un article Mr Chavez vs the Jews (« M. Chavez contre les juifs ») :
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/02/11/AR2009021103313.html
Le papier conclut que si Chavez perd le référendum, il en fera porter la responsabilité aux juifs !
Le hic est que les organisations juives vénézuéliennes, pourtant les mieux placées pour juger de la situation dans leur pays, ne se reconnaissent pas du tout dans cette campagne. Elles ont apprécié que la police identifie et arrête très rapidement les auteurs des actes de dégradation et de profanation de la synagogue. Ces individus, parmi lesquels cinq policiers et un agent des services de renseignement de la police, semblent avoir agi comme des pillards, en laissant derrière eux des inscriptions antisémites pour détourner les soupçons.
Il est significatif que le président de l’Association israélite du Venezuela, Elias Farache Srequi, ait adressé au ministre des affaires étrangères, Nicolas Maduro, une lettre de remerciements que l’on trouvera en fichier attaché et dont voici la traduction :
ASOCIACION ISRAELITA DE VENEZUELA
Caracas, 10 février 2009.
M. Nicolas Maduro
Ministre des affaires étrangères de la République bolivarienne du Venezuela
En ma qualité de président de l’Association israélite du Venezuela, je veux vous exprimer notre reconnaissance pour votre intervention positive en relation avec les faits intervenus contre l’institution que je représente.
Les paroles que vous avez prononcées et celles de Monsieur le Président de la République condamnant totalement et absolument l’agression dont nous avons été victimes, ainsi que la profanation de la synagogue Tiferet Israel, située à Mariperez, ont été des messages de courage et de tranquillité pour notre communauté.
Nous approuvons l’engagement de maintenir des canaux de dialogue nous permettant de résoudre tout problème d’intérêt mutuel. Nous sommes certains que, par un dialogue franc et ouvert, nous réussirons à éradiquer des sentiments étrangers à la civilité vénézuélienne et à rendre paix et tranquillité à nos coreligionnaires.
Par votre intermédiaire, nous souhaitons faire parvenir à la police de recherche scientifique, pénale et criminelle l’expression de notre reconnaissance pour le travail professionnel qu’elle a effectué. Dans des délais record, elle a pu identifier clairement les auteurs matériels du délit qui a été commis.
Je vous réitère l’expression de notre estime.
Veuillez agréer l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Elias Farache Srequi
Président
Il sera intéressant de voir si le Washington Post et certains médias européens informent leurs lecteurs de cette prise de position sans ambiguïté…