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Chronique - mai 2009

L’obamania au service de l’atlantisme

jeudi 30 avril 2009   |   Bernard Cassen
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A de rares exceptions près, chaque pays du monde a salué la victoire de Barack Obama comme s’il s’agissait de sa propre victoire. En trois mois, grâce aux premières décisions qu’il a prises, le nouveau président a déjà réussi à modifier radicalement l’image désastreuse des Etats-Unis héritée de George Bush. On en oublierait presque qu’il n’a pas été élu pour faire plaisir au reste de la planète, mais pour défendre les intérêts politiques, économiques et stratégiques permanents de l’hyperpuissance américaine.

 De ce point de vue, la vague d’obamania qui déferle actuellement devient un atout précieux pour la promotion de ces intérêts. L’Europe est particulièrement affectée par cette offensive de charme. Il faut dire que, tant chez les décideurs politiques et économiques que chez une bonne partie de « élites » des médias et de la communication, l’atlantisme est une seconde nature. La popularité d’ Obama lui confère une légitimité qui lui faisait jusque-là défaut, et il devient courant d’invoquer « les Etats-Unis d’Obama », et non pas « les Etats-Unis » tout court, pour faire accepter des décisions correspondant aux volontés de Washington.

On en a eu un exemple récent avec le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan. Nicolas Sarkozy l’avait programmé lorsque son ami George Bush occupait encore la Maison Blanche, mais cet acte d’allégeance à l’orthodoxie atlantiste a suscité beaucoup moins de résistances à Paris après son départ. Cette orthodoxie n’est pas seulement le fait des gouvernements ; elle est partagée par la grande majorité des eurodéputés, qu’ils se réclament de la droite ou de la social-démocratie. En témoigne une résolution du Parlement européen votée le 26 mars dernier, soit une semaine avant le Sommet de l’Otan. Un peu comme s’il s’agissait d’un message de bienvenue…

Cette résolution porte sur « l’état des relations transatlantiques après les élections qui ont eu lieu aux Etats-Unis » (document A6-01114/2009). Ce texte en 61 alinéas est un véritable catalogue des priorités américaines – et qui restent américaines même partiellement corrigées par Obama -, reprises telles quelles à leur compte par les parlementaires européens. Tout ce qui devrait faire problème au moins chez une partie des élus du Parti socialiste européen (PSE), les Français en particulier, y figure : approbation du traité de Lisbonne ; éloge du libre-échange, de l’OMC et du cycle de Doha ; hymne aux vertus de l’OTAN ; soutien à la politique américaine en Irak, en Afghanistan et au Pakistan ; revendication d’un marché unique Union européenne/Etats-Unis ; intégration des marchés financiers transatlantiques ; « accès sans discrimination aux matières premières sur le marché mondial » ; « application des droits de propriété industrielle », etc. 

Ce texte d’anthologie a été voté par 501 voix contre 51 et 10 abstentions. Aux côtés de la quasi totalité des eurodéputés de droite, tous les élus du PSE sauf trois l’ont approuvé. Les élus du Parti Vert européen n’ont pas été en reste : une trentaine pour, deux contre et quatre abstentions. Le seul groupe à s’être prononcé massivement contre est celui la Gauche unitaire européenne, gauche verte nordique (GUE-NGL) présidé par le communiste français Francis Wurtz.

Cette résolution est un véritable programme de politique intérieure et internationale. Si la gauche et la droite de gouvernement sont à ce point d’accord à Strasbourg et à Bruxelles, on se demande pourquoi elles font encore semblant de s’opposer au niveau national…





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