Survenue après l’effroyable tremblement de terre du 11 mars dernier (de niveau 9 sur l’échelle de Richter, l’un des plus intenses de l’histoire sismique récente du monde) et surtout après le terrible tsunami qui s’est abattu sur la zone une heure après le séisme et qui a entraîné une panne du système auxiliaire de réfrigération, l’explosion du réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Fukushima 1 au Japon sème la panique dans l’ensemble de la région. Le monde retient son souffle. Tokyo la capitale et ses 35 millions d’habitants ne se trouvent qu’à 240 kilomètres de la centrale... Et le réacteur n° 3 risque également d’exploser. Si les coeurs des deux réacteurs venaient à fondre - ce que nul ne peut exclure pour l’instant - on se retrouverait en présence d’une catastrophe nucléaire civile inédite par son ampleur et par l’importance colossale de ses dégâts humains potentiels.
Pour l’heure, il s’agit déjà, selon les experts, du pire accident nucléaire depuis celui de Tchernobyl, survenu en 1986, qui était de niveau 7 sur l’échelle l’INES (de l’anglais International Nuclear Event Scale, soit Échelle internationale des événements nucléaires) établie par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et graduée de 0 à 7.
Au stade actuel, l’accident nucléaire de Fukushima est déjà classé de niveau 4 et s’apparente à celui qui s’est produit le 28 mars 1979 à la centrale de Three Miles Island (Pennsylvanie, États-Unis) lorsque, à la suite d’une chaîne d’évènements accidentels, le cœur du réacteur de type réacteur à eau pressurisée, appelé TMI-2, a en partie fondu. Cet accident a été classé au niveau 5 sur l’échelle de l’INES.
A cet égard, il n’est pas inintéressant de revoir un film américain de James Bridges intitulé : Le Syndrome chinois (The China Syndrome). Sorti quinze jours à peine avant l’accident de Three Mile Island lorsqu’une partie du cœur du réacteur a fondu. Ce film eut un retentissement médiatique énorme et un écho considérable dans l’opinion. Il alimenta le mouvement contre l’énergie nucléaire aux États-Unis et contribua à faire stopper pendant des décennies le programme nucléaire civil américain.
En voici le synopsis :
"Kimberley Wells, journaliste à la télévision, filme en secret au cours d’un documentaire un incident à la centrale nucléaire de Ventana alors que la commission de sûreté tente d’étouffer l’affaire. Son caméraman le montre à un ingénieur nucléaire qui confirme la réalité de l’accident et son caractère potentiellement dangereux. C’est à ce moment qu’est évoquée la notion de « syndrome chinois ».
En effet, le film est basé sur un scénario qui envisage la possibilité d’un emballement du réacteur nucléaire de la centrale (résultant de lacunes volontaires dans le contrôle des principaux composants de la centrale au moment de sa construction) conduisant celui-ci à percer la cuve, faire fondre son enceinte de confinement et à traverser le sol (puisque le poids atomique de l’uranium 235 est le plus lourd) ; en théorie jusqu’au centre de la Terre (et non jusqu’en Chine comme le laisse supposer le titre du film). Un expert en sécurité affirmait littéralement dans le film que « pareille fusion nucléaire pouvait contaminer une surface grande comme la Pennsylvanie et la rendre inhabitable à jamais ».
Juste après la sortie du film, les représentants de l’industrie nucléaire défendirent leur secteur. Ils prétendirent que le film était un moyen irresponsable de la gauche antinucléaire pour attiser la peur du grand public face à l’énergie nucléaire. Les critiques n’auraient pourtant jamais osé imaginer que quinze jours plus tard, la réalité dépasserait la fiction. Même si l’accident de Three Mile Island prouva que la cuve du réacteur et le bâtiment résistaient aux conditions extrêmes d’une fusion du coeur du réacteur. Il existe également des preuves scientifiques et techniques que « le syndrome chinois » ne peut pas se produire dans la réalité. Malgré tout, l’idée est restée ancrée dans la conscience collective. Et on voit revenir cette panique avec le grave accident nucléaire en cours au Japon.
Lire la critique du film Le Syndrome chinois proposée par : Christian Boisvert
Film "China Syndrome (The)" : Les dangers du nucléaire !
"En fin des années 1970, la crainte d’accidents dans les centrales nucléaires est omniprésente. Ce film arrive à point... pour alimenter l’inquiétude ! Une journaliste (excellente Jane Fonda) fait un reportage sur une centrale nucléaire. Pendant le tournage, un incident se produit. Les dirigeants de la centrale minimisent le tout. Mais l’un des employés, joué par Jack Lemmon, très convainquant, comprend qu’on a frôlé la catastrophe. Il décide d’en parler à la journaliste et à son caméraman, le tout jeune Michael Douglas. Mais diverses contraintes politiques empêchent tout ce beau monde de prévenir le public. Il ne reste plus qu’une dernière chose à faire, pour le technicien de la centrale : prendre le centre de contrôle d’assaut et, à la pointe d’une arme à feu, forcer les dirigeants à faire venir la journaliste et son équipe pour un reportage en direct. Tout se met en place, pendant que les dirigeants travaillent fébrilement à investir la salle de contrôle et tuer le technicien. Arriveront-ils avant que ne débute le reportage en direct ?
Ce sont des histoires comme celles-ci, combinées à des accidents comme celui de Three Miles Island qui auront sensibilisé le public aux dangers du nucléaire. En ce sens, ce film est non seulement intéressant mais essentiel. Il prouve bien que le cinéma peut réussir à influencer les gens d’une façon plus efficace que les politiciens ou les associations de défense.
Le film est très bien construit, avec une progression lente mais certaine des éléments de tension. On pourra critiquer l’utilisation de termes trop techniques qui égarent rapidement le spectateur. Mais cela a aussi le bon côté de démontrer, à tort ou à raison, que les réalisateurs du film connaissaient bien leur sujet. C’est un excellent film qui vieillit très bien !"
Fukushima est-il proche du "syndrome chinois" ?
L’origine de l’expression « syndrome chinois » vient d’une "boutade" des ingénieurs de Westinghouse, le coeur d’un réacteur américains fond et la masse du combustible nucléaire auto-entretenant sa température transperce la cuve, le béton et s’enfonce dans le sol, s’enfonce, s’enfonce jusqu’à ressortir de l’autre côté de la terre en Chine. En réalité dans ce type d’accident, cette masse fondue s’enfonce dans la terre et lorsqu’elle rencontre de l’eau (la nappe phréatique par exemple), il y a explosion de vapeur, une sorte de geyser de vapeur radioactive avec un dégagement colossale de radioactivité, et un vaste territoire devient pour toujours inhabitable...
Les Soviétiques lors de la catastrophe de Tchernobyl ont lutté (et sacrifié beaucoup d’hommes, des plongeurs qui ont plongé dans l’eau de refroidissement [et sont tous morts] pour vidanger cette eau qui s’était accumulée sous les ruines du bâtiments, et des mineurs qui ont construit une chape de béton sous le réacteur), pour empêcher que ce "corium" (une sorte de magma résultant de la fusion du combustible nucléaire et des éléments internes du cœur) ne tombe dans l’eau car il aurait pu atteindre une masse critique et entraîner d’après les calculs une explosion (comme une bombe) atomique d’une puissance énorme de 3 à 5 Mégatonnes (c’est 200 à 300 fois Hiroshima). Cela aurait provoquer des radiolésions massives des habitants dans un rayon d’environ 300 km (englobant la ville de Minsk) et toute l’Europe aurait pu se trouver victime d’une forte contamination radioactive rendant la vie normale impossible.
http://www.dissident-media.org/...nesterenko.html
Il y a 32 ans, il y eut le film prémonitoire le "Syndrome Chinois" puis l’accident de Three Mile Island :
Deux mois exactement avant que ne survienne l’accident de Three Mile Island (ou TMI), la Commission de Réglementation Nucléaire américaine (NRC), remettait au Congrès des Etats-Unis un rapport d’une centaine de pages. Son titre : « Identification des problèmes de sécurité non résolus dans les centrales nucléaires ». Son but : définir avec précision les défauts de construction, de fonctionnement, d’organisation des centrales présentant un risque potentiel important pour la population. Depuis décembre 1977, la loi américaine fait obligation à la NRC, de cataloguer toutes les imperfections des centrales, de mettre sur pied un plan pour y remédier, et d’en faire part au Congrès. Il en a résulté une longue liste de 133 « tares », plus ou moins graves, qu’il est indispensable de corriger. Parmi elles, 17 ont été jugées prioritaires, justement parce qu’elles représentaient une menace réelle pour les populations. Sur ces 17 défauts graves, 3 au moins http://www.dissident-media.org/infonucleaire/SV_n742_juillet1979.pdf ont été à l’origine de l’accident de TMI. http://www.dissident-media.org/infonucleaire/tmi.html
Le 16 mars 1979 sortait aux Etats-Unis, dans 663 salles simultanément, un film prémonitoire le "Syndrome Chinois" http://www.dissident-media.org/infonucleaire/china_syndrom.pdf qui avait pour thème un accident dans une centrale nucléaire qui manque de tourner à la catastrophe, risquant d’entraîner la fusion du coeur du réacteur qui s’enfoncerait alors dans la terre avec une telle puissance qu’il se retrouverait en Chine, d’où le titre du film. (voir le Film part 1 http://www.dissident-media.org/fichier_real/syndrome_chinois1.ram et part 2 http://www.dissident-media.org/fichier_real/syndrome_chinois2.ram 1h55 en Realvideo 33Kb).
La sortie du film avait déclenché de nombreuses protestations de la part des compagnies d’électricité et des constructeurs de réacteurs nucléaires. Quinze jours plus tard, l’Amérique fût persuadée que le "Syndrome Chinois" était plus qu’un film de fiction et presque un documentaire. Le 28 mars 1979, à 8 heures du matin se produisit à la centrale nucléaire civile de Three Mile Island, un accident (non prévu dans la liste des accidents "étudiés" par les autorités de sûreté) résultant de l’enchaînement, estimé très improbable, d’une défaillance de matériel, d’une faute de maintenance non prévue à la conception, de deux erreurs de conception (au moins) et de la non-validité de la "procédure de conduite" fournie aux opérateurs (voir le documentaire http://www.dissident-media.org/fichier_real/TMI.ram de 51mn en Realvideo 33Kb).
Il faut mentionner un aspect assez curieux de la logique des experts promoteurs du nucléaire. Il s’agit de la notion d’impossible. Certains accidents particulièrement effrayants par leurs conséquences sont dits impossibles. Ceci justifie leur qualification de hors dimentionnement : l’installation n’est pas dimensionnée pour maintenir ces accidents dans des limites acceptables. En réalité, il s’agit là d’accidents pour lesquels, technologiquement (ou financièrement) il n’est pas possible de dimensionner l’installation, pour éviter des conséquences catastrophiques.
Dans ces conditions, l’impossible est un concept bien commode. De quoi s’agit-il quand on nous parle d’un accident impossible ? C’est un accident physiquement possible, mais il n’a pas été possible pour les experts d’imaginer la séquence d’événements qui conduirait à sa réalisation.
L’accident de TMI et le scénario du film " Le Syndrome Chinois " illustrent bien ce point. La séquence accidentelle était officiellement impossible, mais des cinéastes l’avaient imaginée car elle était physiquement possible. Dans la réalité à TMI et dans le film, la fusion totale du coeur du réacteur a été évitée de justesse. Le cas est dès maintenant possible à Fukushima d’un "scénario" où la fusion totale (ou presque) du coeur se produit et où le corium (ce cœur fondu) perce la cuve et attaque le radier (très épais à Fukushima) de la centrale et commence à s’enfoncer dans le sol... s’il n’a pas provoqué avant une explosion de vapeur, en rencontrant de l’eau accumulée au dessus du radier...
A Three Mile Island la gravité de la situation et la confusion ont poussé la NRC à instaurer du début à la fin des événements une permanence qui n’a été qu’une succession, chaotique, informe et souvent interrompue d’entretiens (enregistrés), dont les transcriptions (voir http://www.dissident-media.org/infonucleaire/feuilleton.1.tmi.html en 3 parties se lisent comme un véritable roman policier) permettent de mieux comprendre l’accident.
Après l’accident de TMI, des associations de citoyens ont intenté un procès à la compagnie exploitante http://www.dissident-media.org/infonucleaire/apres_tmi.html la Metropolitan Edison. D’une certaine façon tout le monde savait http://www.dissident-media.org/infonucleaire/blague2.html qu’un accident http://www.dissident-media.org/infonucleaire/accidents_reacteurs.html arriverait un jour, très exactement le jour où un grand nombre de réacteurs nucléaires serait en service, TMI a peut-être été le coup de grâce pour l’énergie nucléaire américaine mais il a frappé une industrie déjà mal en point dont le déclin était amorcé en 1974. http://www.dissident-media.org/infonucleaire/nuc_usa.html
On apprit, plusieurs années après que l’accident de TMI fut un "mishap" (un raté) comme disent les Américains, à moins d’une heure près, la fusion du coeur aurait pu être totale, on était passé très près du "syndrome chinois", à Fukushima la situation est critique, le "syndrome chinois" n’est pas loin... http://www.dissident-media.org/infonucleaire
PS - Le 13 mars 1980 il y a eu fusion de 20 kg du coeur de Saint-Laurent http://www.dissident-media.org/infonucleaire/saint_laurent.html (un vieux réacteur uranium-naturel/graphite-gaz), et rejet de plutonium dans la loire http://www.dissident-media.org/infonucleaire/plutonium_saint_laurent.html mais pas de problème, pour le tout nouveau réacteur de grand puissance français, le fameux EPR http://www.dissident-media.org/infonucleaire/epr_danger.html dans l’hypothèse où le coeur fondrait malgré toute la haute technologie et le savoir faire français, un récupérateur a été ajouté pour empêcher que le magma radioactif ne s’échappe (vers la Chine), un système que ses concepteurs appellent « récupérateur de corium ou cendrier »...
http://www.irsn.fr/...recuperateur_corium.aspx
- A la suite de l’accident de Three Mile Island (TMI) en 1979, le Laboratoire National de Sandia a estimé les conséquences potentielles pour des accidents de réacteurs qui aboutissent au rejet de grandes quantités de radioactivité dans l’atmosphère. Pour chaque centrale nucléaire qui était alors en exploitation ou en voie d’achèvement, le laboratoire Sandia a défini la quantité de radioactivité qui pourrait être rejetée à la suite d’un accident majeur http://www.chez.com/atomicsarchives/accident_majeur.html mais aussi les conditions météorologiques de la région et populations vivant dans la zone située sous le panache radioactif issu de la centrale. Sandia a alors estimé le nombre de personnes qui mourraient dans l’année ou auraient des problèmes de santé à cause des expositions ionisantes. Sandia a également estimé le nombre de personnes qui trouveraient la mort par la suite de maladies radio-induites comme le cancer. Les estimations des premiers cas de décès peu après un accident se chiffrent à environ 700 pour un petit réacteur et jusqu’à 100 000 pour les plus gros réacteurs. Les estimations de décès par cancers vont de 3 000 à 40 000. Les estimations de morbidité générale vont de 4 000 à 610 000. A titre de comparaison, la bombe atomique larguée sur Hiroshima a causé la mort de 140 000 personnes, et celle tombée sur Nagasaki a tué 70 000 personnes.
Extrait de Etudes de risques sur les centrales nucléaires...
IEER, David Lochbaum
http://www.ieer.org/ensec/no-15/no15frnc/etudes.html