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Europe – Amérique latine : retrouvailles au Sommet

mercredi 2 août 2023   |   Maurice Lemoine

Bruxelles, 16 juillet 2023. Réunis pour deux jours, vingt-sept dirigeants européens, trente-trois latino-américains. Discours d’ouverture du Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Ralph Gonsalves, en sa qualité de président pro tempore de la Communauté des Etats latino-américains et caraïbes (CELAC) : « Nous devons améliorer la situation pour tous, avec un multilatéralisme respectant le droit international et suivant les préceptes de la paix et du développement durable. » Suit le président en exercice du Conseil de l’Union européenne, le chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez : « Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons renouveler notre confiance commune dans les valeurs du multilatéralisme. » S’extrayant un instant de sa principale préoccupation – faire nommer une Américaine proche des GAFAM [1], Fiona Scott Morton, à la tête de la très stratégique direction générale de la concurrence de la Commission européenne –, la présidente de la dite Commission, l’atlantiste Ursula von der Leyen, y va de son appréciation : « Nous sommes alliés pour renforcer l’ordre international fondé sur des règles, pour défendre la démocratie, les droits de l’homme et la paix. Nous avons intérêt à renforcer notre partenariat politique. »

Voilà. Tout le monde semble d’accord. Le Sommet Union européenne-CELAC peut commencer.

Huit années que les deux organismes intergouvernementaux ne se sont pas retrouvés. De multiples causes : outre la crise du Covid, qui n’a pas favorisé les contacts, un relatif désintérêt de la « vieille Europe » pour ses partenaires de l’autre bord, la quasi-désagrégation de l’organisme latino-américain, auxquels se sont ajoutés, en 2017, un désaccord concernant la participation du Venezuela.


Née officiellement à Caracas les 2 et 3 décembre 2011, à l’initiative de la première vague des chefs d’Etat de gauche désireux de s’émanciper de l’influence pesante de Washington – Hugo Chávez (Venezuela), Luis Inácio Lula da Silva (Brésil), Rafael Correa (Equateur), Evo Morales (Bolivie), Néstor et Cristina Kirchner (Argentine), etc. –, le mécanisme d’intégration régionale qu’est la CELAC n’en a pas moins eu pour premier président pro tempore le conservateur chilien Sebastián Piñera. Le 28 janvier 2013, et pour une année, le cubain Raúl Castro lui succéda. Dans l’idée de ses créateurs, les divergences idéologiques devaient s’effacer devant la concertation politique et la coopération sociale et culturelle des trente-trois pays continentaux et insulaires de la région – sans les Etats-Unis ni le Canada.

Revenue un temps et majoritairement au pouvoir, la droite – Enrique Peña Nieto (Mexique), Mauricio Macri (Argentine), Pedro Pablo Kuczynski (Pérou), Lenín Moreno (Equateur), Jair Bolsonaro (Brésil), Iván Duque (Colombie), etc. – n’a eu de cesse que de détruire cet instrument en voie de concurrencer, voire supplanter, l’Organisation des Etats américains (OEA) si chère aux amis de la Maison-Blanche et du Département d’Etat. La création en août 2017 du Groupe de Lima, chargé par Washington des basses besognes dans la déstabilisation de la République bolivarienne du Venezuela, marqua le paroxysme de cette séquence de… désintégration de l’intégration [2].

Election après élection, à commencer par la mexicaine et l’argentine, le vent a tourné. Le Groupe de Lima n’a pas survécu à ses turpitudes, au changement politique régional et à la solide résistance du président vénézuélien Nicolás Maduro. L’organisation par le mexicain Andrés Manuel López Obrador (AMLO) d’un VIe Sommet en octobre 2021 a marqué la résurrection d’une CELAC que, au cours des quatre années précédentes, beaucoup avaient prématurément enterrée. Le retour au pouvoir de Lula au Brésil et de Luis Arce en Bolivie (après un coup d’Etat s’étendant sur une année), l’arrivée de Gustavo Petro en Colombie, de Xiomara Castro au Honduras et (d’une façon moins affirmée) de Gabriel Boric au Chili n’ont fait que redonner du souffle au vieux rêve de l’émancipation. Que n’a jamais abandonné la « troïka de la résistance » (Cuba, Nicaragua, Venezuela).

Dans un contexte géopolitique chahuté par les crises en cascade, le ralentissement de la croissance des économies et du commerce, l’augmentation des niveaux d’inégalité ainsi qu’une destruction de l’environnement aux conséquences potentiellement catastrophiques se sont exacerbés. « Les impacts socio-économiques de la pandémie de Covid-19 et du conflit en Ukraine ont confirmé qu’aucun pays, région ou continent ne peut relever seul les défis du développement durable », a noté la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) [3].

Pour faire face aux défis, les pays développés amorcent de nouvelles politiques industrielles, technologiques et environnementales – Pacte vert en Europe, CHIPS and Science Act et Inflation Reduction Act aux Etats-Unis – qui, inévitablement, auront un fort impact sur la compétitivité mondiale et ses conséquences sociales. Dans ce contexte, note toujours la CEPAL, « il est essentiel d’éviter d’aggraver les asymétries technologiques qui peuvent avoir de graves conséquences liées au retard de production et de revenu des économies en développement. Il sera donc essentiel d’explorer les possibilités pour l’Amérique latine et les Caraïbes de s’associer à ces politiques par le biais d’investissements et d’autres mécanismes de collaboration ».

Montée en puissance de la Chine et conflit OTAN-Russie sur le territoire ukrainien : l’Union européenne, en ce qui la concerne, doit revoir et/ou renforcer ses filières d’approvisionnement en matières premières et en minéraux stratégiques. Après l’avoir négligé, sauf pour appuyer les forces conservatrices et leur mentor Donald Trump ligués contre le Venezuela, l’UE redécouvre donc l’ensemble latino-américain. Et la CELAC. Laquelle a retrouvé tout son poids lorsque le Brésil de Lula l’a réintégrée – Bolsonaro l’en ayant retiré en 2020.

En octobre 2022, à Buenos Aires, une réunion bi-régionale des ministres des Affaires étrangères marqua la volonté commune de rétablir les liens et d’organiser un sommet. Quelque peu en difficulté dans son pays face à un Parti populaire (PP ; droite) « dans une bonne dynamique », Pedro Sánchez souhaitait faire de ce conclave l’événement phare de la présidence espagnole du Conseil de l’UE. De ce fait, il jeta tout son poids afin de convaincre Lula et Petro de ne pas déléguer leurs ministres des Affaires étrangères, mais de se déplacer personnellement, pour donner un maximum de brillant à la réunion qu’il co-présiderait.

Au-delà des sourires de circonstance, les relations ne sont pas particulièrement au beau fixe entre européens et « latinos ». L’UE a perdu chez ces derniers de son influence. Si elle est le premier investisseur dans cette partie du monde – 35 % des investissements étrangers directe (IED) –, elle n’est que son troisième partenaire commercial après la Chine et les Etats-Unis. Toutes tendances politiques confondues, les économies latino-américaines se sont en effet largement tournées vers la Chine, devenue le premier partenaire commercial de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Chili, de Cuba, du Paraguay, du Pérou, de l’Uruguay, et le deuxième de la plupart des autres pays [4]. De 10 milliards de dollars en 2000, la valeur des échanges est passée à 485,7 milliards de dollars en 2022.

Sur le grand échiquier des relations internationales, les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud – sont beaucoup plus « tendance » au sein des gauches continentales que l’UE et les Etats-Unis. A l’occasion du dernier sommet des BRICS, l’ex-présidente brésilienne Dilma Rousseff est devenue présidente de leur Nouvelle Banque de Développement (NBD). Pour la seule Amérique latine, l’Argentine, Cuba, le Mexique, le Nicaragua et le Venezuela ont exprimé le souhait de rejoindre l’alliance, qui pourrait à terme devenir « BRICS+ » [5].


Une rude concurrence pour Bruxelles (et Washington, cela va de soi). Qui ne doit rien au hasard. Car, confie un brésilien de São Paulo à Jana Puglierin, directrice à Berlin du bureau du Conseil européen des relations extérieures, « quand les Américains viennent au Brésil, ils veulent parler de la Chine. Quand viennent les Chinois, ils parlent de développement [6].  »

Le nombre des Européens qui eux aussi font le déplacement a augmenté de façon considérable ces derniers temps. Le Haut représentant pour les affaires étrangères Josep Borrell en Argentine et en Uruguay (octobre 2022), puis à Cuba (juin 2023). Le chancelier fédéral Olaf Scholz et le président allemand Frank-Walter Steinmeier au Brésil en janvier dernier. La cheffe de leur diplomatie, Annalena Baerbock, au Brésil, en Colombie et au Panamá, du 4 au 9 juin. Ursula von der Leyen au Brésil, en Argentine, au Chili et au Mexique quasiment au même moment.

Chacune de ces visites permet de percevoir dans quelle direction souffle ostensiblement le vent. A Brasilia, Baerbock propose une relation plus étroite, sous réserve d’un changement de position à l’égard de la guerre en Ukraine et de Pékin. A Buenos Aires, Von der Leyen signe avec Alberto Fernández un protocole d’accord sur les matières premières, et notamment le lithium – dont la demande en Europe « sera multipliée par 12 d’ici 2030 », précise la présidente de la Commission. Un métal essentiel pour la stratégie de décarbonation de l’UE, qui, entre autres mesures, a prévu d’interdire la vente de voitures neuves à moteur thermique à partir de 2035. Sachant que 56 % (au moins) des ressources en lithium de la planète se trouvent dans le triangle formé par la Bolivie (première réserve mondiale), l’Argentine et le Chili. Et que la Bolivie, non seulement a nationalisé le secteur à travers l’entreprise publique Yacimientos de Litio Bolivianos (YLB), mais, ulcérée par l’appui implicite et explicite des Etats-Unis et de l’UE au coup d’Etat mené contre Evo Morales en novembre 2019 [7], vient de signer en juin un accord d’association avec une entreprise russe (Uranium One Group JSC, filiale de Rosatom) et un groupe chinois (Citic Guoan) pour l’extraction et l’industrialisation du nouveau métal précieux.

En préparant le Sommet, l’UE a donc en tête quelques objectifs bien précis. Aborder, bien entendu, tous les grands sujets inhérents à ce type de rassemblement : droits de l’homme, démocratie, réchauffement climatique, environnement, développement, coopérations multiples, etc. Mais aussi faire sortir les « latinos » de l’ « insupportable neutralité » qu’ils observent quant au conflit ukrainien et signer, après des années d’atermoiements, le traité de libre-échange UE-Mercosur (Marché commun du sud : Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). Ce qui très vite, et malgré l’opération de séduction entreprise, va se révéler moins aisé qu’espéré.

Premier accroc d’importance, en amont du Sommet : l’Ukraine.

Le 2 mars 2022, lors de l’Assemblée générale des Nations unies réunie en urgence du fait du blocage du Conseil de sécurité (où la Russie dispose d’un droit de veto), la quasi totalité des pays latino-américains ont voté la résolution qui « déplore dans les termes les plus énergiques l’agression commise par la Fédération de Russie contre l’Ukraine en violation du paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte [de l’ONU] »  ; qui « exige également que la Fédération de Russie retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays [8]  ».

Si la Bolivie, Cuba et le Nicaragua se sont abstenus, si le Venezuela n’a pu s’exprimer (il n’a plus le droit de vote du fait d’arriérés de paiement), personne n’a voté contre. Compte tenu de leur histoire, le paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte dit « quelque chose » à ces pays : « Tous les Etats sont tenus de s’abstenir, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies, et de régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques. » En y faisant référence, ils ne pensent pas qu’à la Russie !

Ultérieurement, au sein des gauches latinas de gouvernement, nul n’appuiera l’invasion de l’Ukraine, mais nul ne « condamnera » Moscou (à l’exception du Chili). Nul n’acceptera de livrer des armes, fussent-elles très anciennes, à Kiev ; d’isoler diplomatiquement ou d’infliger des sanctions à la Russie. Les relations avec le Kremlin sont généralement bonnes. Et bien peu, lorsqu’ils analysent les origines du conflit, considèrent l’OTAN comme une colombe de la paix [9].

Aussi, le rejet est-il brutal lorsque la CELAC découvre que, sans l’avoir en rien consultée, Pedro Sánchez a invité Volodomyr Zelensky au Sommet. En mai 2022, déjà, le président Lula avait exprimé son sentiment au sujet de ce dernier : «  [Zelensky] est à la télévision le matin, le midi et le soir. Il est au Parlement britannique, au Parlement allemand, au Parlement français, au Parlement italien (...). Il veut la guerre. S’il ne la voulait pas, il aurait négocié un peu plus [10].  » En position de force au sein de la CELAC, les pairs de Lula partagent cette opinion. La réaction est telle que, sous pression à son tour, l’Union européenne doit annuler l’invitation.

Deuxième couac précédant l’atterrissage des délégations à Bruxelles : le Mercosur.

Quatre pays fondateurs : l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay. Des hauts, des bas, des réussites somme toute modestes. Deux partenaires dans l’antichambre : la Bolivie, au processus d’adhésion inachevé ; le Venezuela, intégré depuis 2012, mais suspendu en décembre 2017 du fait des tensions entre Caracas et les gouvernements néolibéraux. Avec l’UE, vingt années de négociations pour réduire les droits de douane et stimuler les échanges commerciaux ! En attendant mieux, le Mercosur exporte déjà vers l’Europe des productions agricoles, minérales et énergétiques ; l’UE expédie en retour des marchandises à contenu technologique et à haute valeur ajoutée.

Les deux blocs représentent ensemble environ 25 % de l’économie mondiale et un marché de 780 millions de personnes. Malgré les réticences de quelques pays européens tels que l’Autriche, la Belgique, la France, l’Irlande et les Pays-Bas, un accord a été présenté comme « finalisé » en juin 2019. Il a toutefois été mis en suspens. S’ils l’appuyaient à 100 % dans sa participation active à la destruction du Venezuela, les dirigeants de l’UE ne tenaient pas trop à apparaître sur la photo aux côtés d’un Jair Bolsonaro qui, en même temps, massacrait l’Amazonie.

Exit Bolsonaro. « Il serait bon que l’accord commercial soit signé avant la fin de l’année [2023] », a pressé Von der Leyen. Patatras ! Voici que Lula et l’argentin Alberto Fernández ruent dans les brancards. A l’accord de 2019, l’UE a ajouté en mars 2023 un strict « protocole additionnel » – la « side letter » – dont les normes environnementales (déforestation, pesticides, OGM) posent des conditions drastiques à l’entrée en Europe des produits latino-américains.

Nouvelle, l’approche européenne ne peut être purement et simplement rejetée. Elle est d’ailleurs jugée encore trop laxiste par l’ensemble des mouvements altermondialistes et des partis écologistes, qui, depuis les années 1990, contestent l’existence même de ce type de Traité de libre commerce (TLC). En mettant en avant quelques exemples emblématiques pour expliciter leur position. Ainsi : menée dans huit pays européens, dont la France, une enquête sur les citrons verts importés du Brésil publiée en avril 2023 montre que des produits phytosanitaires toxiques, pour certains non autorisés dans l’UE, sont exportés par les firmes de cette même UE vers le Brésil et reviennent en boomerang à leur point de départ, sous forme de résidus dans les denrées alimentaires – dont les citrons en question [11].

De même, il n’est pas scandaleux pour un pays comme la France, mais pas que lui, de vouloir protéger ses agriculteurs, déjà en forte difficulté et sommés de se reconvertir dans le « durable », du déferlement prévu de 99 000 tonnes de viande de bœuf supplémentaires par an, de 180 000 tonnes de volailles (et de 180 000 tonnes de sucre) – avec l’impact environnemental entraîné par la circulation transatlantique de tels chargements [12].

Toutefois, le fameux « protocole additionnel » reste en travers de la gorge des dirigeants de l’autre rive. En vertu d’un règlement « contre la déforestation » voté le 19 avril 2023 par les parlementaires européens, l’huile de palme, le bétail, le soja, le café, le cacao, le bois, le caoutchouc, ainsi que leurs produits dérivés, ne pourront plus être vendus dans l’UE à partir de 2026, s’ils proviennent de terres déboisées ou dégradées. Fort bien. Un Lula peut très bien comprendre ce type de nécessité. Sous ses précédents mandats (2004-2012), il est parvenu à passer de 30 000 km² défrichés par an à 5000 km², grâce à un contrôle renforcé. Après que, sous Bolsonaro, la déforestation moyenne annuelle ait grimpé de 75 % par rapport à la décennie précédente, Lula, depuis son retour au pouvoir, s’est engagé à respecter l’Accord de Paris [13] et a présenté un nouveau plan de lutte très ambitieux pour protéger l’Amazonie. Malgré les résistances d’un Congrès au sein duquel il ne dispose pas de la majorité, il a publiquement affirmé vouloir faire du Brésil un exemple mondial en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre et en mettant fin à la déforestation illégale d’ici 2030. Et voici que l’UE « exige » un « objectif intermédiaire » de réduction de la déforestation d’au moins 50 % par rapport aux niveaux actuels jusqu’en… 2025 (c’est-à-dire demain). Et voici que l’UE « ordonne » que soit assuré « un développement durable et une transformation rurale inclusive », qu’elle est elle-même incapable de mettre en œuvre sur son propre territoire. Le tout, sous peine de sanctions !

Attitude insupportable, s’emportent tant l’Argentine que le Brésil. « Entre partenaires stratégiques, il doit y avoir une prémisse de confiance mutuelle et non de méfiance et de sanctions », ajoute Lula, qui préside le Mercosur. Employé à outrance par les Etats-Unis et l’UE, le concept de « sanction » ne passe plus chez des « latinos » excédés. Et il passe d’autant moins que, dans l’accord tel qu’ainsi modifié, les ambiguïtés ne manquent pas. Ainsi, note le ministre argentin des Affaires étrangères Santiago Cafiero, « si le Mercosur libère les droits de douane pour 95 % des exportations européennes de produits agricoles, l’UE ne libère que 82 % des importations agricoles en provenance du Mercosur et n’offre que des quotas ou des préférences fixes pour la plupart des autres produits ». Sachant que, pour les rubriques telles que le bœuf, la volaille, le miel, le fromage, le maïs et l’éthanol, ces futurs quotas permanents seraient inférieurs aux présentes exportations du Mercosur. « Ce qui signifie que, si cet accord est mis en œuvre, nous devrons réduire ce que nous exportons à l’heure actuelle ! » Et que, le critère des contingentements « ne s’applique pas dans le sens inverse : les biens industriels importés de l’UE ne sont soumis à aucun quota [14]. » Car, bien entendu, l’une des exigences de l’UE est d’avoir accès aux marchés publics des pays impliqués. Et de concurrencer sans entraves les industries locales, en particulier argentines et brésiliennes, les plus performantes du bloc. Sans parler des moyennes entreprises. « Le Brésil ne peut pas renoncer à son droit de se réindustrialiser. L’Argentine ne peut pas renoncer à être un pays doté d’une industrie forte. Un accord doit être bénéfique pour tout le monde », conclue Lula. Qui annonce avant même de quitter Brasilia : non acceptable en l’état, cet accord devra être renégocié [15].

Troisième motif de fort agacement, de l’autre côté de l’Atlantique : sous l’influence du Parti populaire européen (PPE ; droite de droite), aligné sur la politique hostile des Etats-Unis, le Parlement européen donne un très mauvais signal en se livrant à une véritable provocation. Le 12 juillet, sur la base d’un débat tenu le 13 juin en son sein, il condamne « les atteintes systématiques aux droits de l’homme à Cuba » (359 « pour », 226 « contre », 50 abstentions), réclame des sanctions contre le président Miguel Diaz-Canel et invite l’UE à « suspendre immédiatement le dialogue politique et l’accord de coopération » en cours avec La Havane.

Le lendemain, ce même Parlement s’en prend au Venezuela et, sur la base d’éléments très contestables, invite les participants au prochain sommet UE-CELAC « à publier une déclaration exigeant le plein respect des droits de l’homme, de la démocratie et des libertés fondamentales ». Dans le même élan, les eurodéputés réactionnaires mènent campagne pour que la République bolivarienne soit exclue du dit Sommet et que, s’il se présente à Bruxelles, le président Maduro soit « immédiatement détenu ».

Pour faire bonne mesure, les latino-américains découvrent enfin que, parallèlement à la célébration officielle, un forum « Société civile, jeunesse et autorités locales » est organisé par le Forum Policy of Development (plate-forme multipartite soutenue par la Commission européenne) et la Fondation UE-ALC (organisation intergouvernementale) dans la plus totale opacité et sans qu’ils aient été invités à donner leur avis sur le choix des mouvements et autres ONG appelés à y participer.

Compte tenu de ces précédents, il n’y a pas eu de véritable surprise dans le déroulement du Sommet [16]. En surface, aucun clash. Beaucoup de poignées de main. Suivant qui observait ou commentait la scène, des ondes de rage ou de jubilation ironique ont flotté lorsque Delcy Rodriguez, vice-présidente de l’ex-paria vénézuélien, a posé tout sourire pour la photo officielle entre Pedro Sánchez, Charles Michel et Ursula von der Leyen. Ensuite, chacun a continué à jouer sa partition [17]. La question du changement climatique, de ses effets et des mesures qu’il impose a été présente dans presque toutes les interventions. Par avance, lors de la cérémonie d’ouverture, le président du Conseil européen Charles Michel a parfaitement résumé la vision commune et très politiquement bienséante des chefs d’Etat et responsables politiques de l’UE : « Nous partageons des racines, des valeurs et une culture communes ainsi que des liens économiques et sociaux étroits. Et nous sommes une force puissante au sein de l’Assemblée générale des Nations unies, pour défendre la démocratie, le multilatéralisme et les droits de l’homme. » Sans oublier le récurent : « Tous les pays de notre planète doivent être en sécurité. C’est pourquoi nous ne pouvons pas laisser la Russie parvenir à ses fins. Ce serait un désastre pour le multilatéralisme et notre système fondé sur des règles. »


Côté latino, indépendamment des différences notables entre gouvernements de gauche et pouvoirs de droite, on a beaucoup entendu ce type de considération : « Nous ne pouvons pas et ne voulons pas maintenir le paradigme centre-périphérie. Nous refusons de continuer à être les fournisseurs de matières premières essentielles et de main-d’œuvre peu qualifiée aux salaires les plus bas » (Alicia Bárcenas, ministre mexicaine des Affaires étrangères). Ou encore : « L’Amérique latine et les Caraïbes ne sont plus l’arrière-cour des Etats-Unis. Nous ne sommes pas non plus d’anciennes colonies qui ont besoin de conseils, et nous n’accepterons pas d’être traités comme de simples fournisseurs de matières premières » (Diaz-Canel, président cubain). Très en pointe sur le sujet, Petro a plaidé pour « un premier Plan Marshall climatique à l’échelle mondiale ».

Toutefois, même les révoltés ont eu de bonnes manières. Rien qui ne risque, en apparence, de faire capoter la rencontre. On s’est raccompagnés, au terme des réunions, avec force tapes dans le dos.

Le Sommet s’est achevé le 18 juillet par une déclaration en 41 points dont plusieurs liés à la lutte contre le changement climatique, à l’environnement, à la promotion des énergies renouvelables, à la réforme du système financier international, à la santé publique et à l’éducation. Des accords bilatéraux ont été signés par l’UE avec le Chili (matières premières critiques, dont lithium), avec l’Argentine et l’Uruguay (énergies renouvelables). Au terme du raout, non sans un zeste d’ironie, Lula constatera : « J’ai rarement vu autant d’intérêt politique et économique des pays de l’Union européenne envers l’Amérique latine. Peut-être en raison du différend entre les Etats-Unis et la Chine. Peut-être en raison des investissements chinois en Afrique et en Amérique latine. Peut-être pour la nouvelle route de la soie. Peut-être à cause de la guerre. Le fait concret est que l’Union européenne a montré beaucoup d’intérêt à investir à nouveau en Amérique latine, annonçant un investissement de 45 milliards d’euros dans la prochaine période. »

Avec en arrière-fond la concurrence des « Nouvelles routes de la soie », la stratégie « Global Gateway » (« Passerelle mondiale ») : Von der Leyen vient effectivement d’annoncer 45 milliards d’euros d’investissement dans des projets d’infrastructure et des partenariats économiques jusqu’en 2027 (voir l’encadré en fin d’article). Tout en accueillant l’annonce avec intérêt et sympathie, les latinos demeurent prudents, pour ne pas dire circonspects. « En 2009, rappelle Ralph Gonsalves, on parlait déjà d’un fonds de cent milliards de dollars pour atténuer le changement climatique et rien ne s’est encore produit. » Un prochain sommet devant se tenir en Colombie dans deux ans, l’actuel président de la CELAC a complété : « On se retrouvera en 2025 et on verra bien si nous avons reçu l’argent d’ici là ! »

Comme en témoignera le même Gonsalves, la rédaction du communiqué final, en coulisse, loin des projecteurs, n’a pas été de tout repos : « Tout le monde n’a pas obtenu ce qu’il souhaitait dans la déclaration. Il y a eu des désaccords comme on s’y attendait, mais nous y sommes parvenus. Des sujets comme le financement de la lutte contre le changement climatique, la réforme de l’architecture financière mondiale ou le développement social inclusif. D’autres issus de notre histoire et qui laissent encore des traces comme l’esclavage ou la traite des esclaves… »

Il fallait s’y attendre. L’UE a fait de l’Ukraine l’alpha et l’oméga de sa politique extérieure. Un mois avant le Sommet, elle a fait parvenir à la CELAC un projet de déclaration finale mettant Moscou au ban des accusés. En réponse, les latinos et les caribéens ont renvoyé une contre-proposition supprimant tous les paragraphes sur le soutien à Kiev. Sans doute agacés par l’insistance des euro-atlantistes, ils ont introduit dans le texte un sujet les concernant de beaucoup plus près : « La nécessité de prendre des mesures appropriées pour restaurer la dignité des victimes [de la traite transatlantique des esclaves africains], y compris des réparations et des indemnisations ». Puis ils ont refusé la présence de Zelensky.

La rencontre débute. Non sans une certaine arrogance à l’égard de leurs interlocuteurs, dont ils connaissent désormais parfaitement la position, les Européens remettent le couvert. « Nous ne pouvons pas faire de ce sommet UE-CELAC un sommet sur l’Ukraine, doit réagir d’emblée Ralph Gonsalves, observant que la question « a été et continue d’être abordée dans d’autres forums plus pertinents ». Cause toujours… Le bras de fer continue. L’UE entend que, dans le communiqué final, les participants « condamnent fermement » la Fédération de Russie. Les latinos ne cèdent pas. « Il ne fait aucun doute qu’il y a une invasion impérialiste de l’Ukraine, a déclaré Petro dans sa première intervention, mais comment appelez-vous celle de l’Irak, de la Libye ou de la Syrie ? Pourquoi cette invasion provoque-t-elle cette réaction et pas les précédentes de ce siècle ? Ne vaudrait-il pas mieux travailler sur un concept général qui empêche quiconque d’envahir un autre pays ? »

La CELAC impose finalement un texte très succinct qui mentionne « une profonde préoccupation concernant la guerre en cours contre l’Ukraine », sans mentionner Moscou. Suivi, aux antipodes de l’approche guerrière maximaliste européenne, du credo d’une région qui se veut Zone de paix : « Nous soutenons la nécessité d’une paix juste et durable et les efforts en vue d’une solution diplomatique. »

Grand classique : en fonction de ses penchants, chaque média ou réseau social qui s’empare du paragraphe le rapporte à sa façon. Pour les uns, la profonde préoccupation exprimée concerne «  la guerre en cours en Ukraine ». Pour les autres, c’est «  la guerre en cours contre l’Ukraine ». Si l’on s’en réfère aux versions officielles en anglais – « We express deep concern on the ongoing war against Ukraine [18]… » – et en espagnol – « Expresamos nuestra profunda preocupación por la guerra en curso contra Ucrania [19] » –, c’est bien l’expression « guerre contre l’Ukraine » qui est employée.

Un point, malgré les reculs qu’ils ont dû concéder, pour les Européens.

Insuffisant ! Dans son habituel numéro de bon élève qui « fait de la lèche » pour s’attirer un sourire de la maîtresse, le président chilien « de gauche » Gabriel Boric fustige ses pairs latinos pour s’être opposés à une condamnation de Moscou. Par la même occasion, il s’en prend une nouvelle fois au Nicaragua, au Venezuela et à Cuba, qu’il considère comme des « dictatures ». Toutefois, s’agissant de l’île, il se rallie courageusement aux 185 pays sur 189 qui, en 2022, pour la vingt-troisième fois, à l’Assemblée générale des Nations unies, ont condamné le blocus auquel la soumettent Etats-Unis. Il critique même les sanctions appliquées par Washington au Venezuela, non pour leur caractère injuste, mais parce qu’elles « n’apportent rien ».

Plutôt indulgent antérieurement lors d’une situation similaire, Lula, cette fois, réagit. Attribuant les critiques de Boric à un criant déficit d’expérience – « Le manque d’habitude de participer à ces réunions rend peut-être un jeune plus assoiffé, plus pressé » –, il souligne : « Nous savons tous ce que pense l’Europe, nous savons tous ce qui se passe entre l’Ukraine et la Russie. Nous savons tous ce que pense l’Amérique latine. Je ne suis pas obligé d’être d’accord avec Boric, c’est sa vision. »

Considéré avec une suspicion croissante par les gauches latino-américaines, Boric, fort heureusement pour lui, se fait de nouveaux amis : « Concernant mon entretien avec Emmanuel Macron, va-t-il confier au quotidien Le Monde (25 juillet), nous avons discuté, notamment, des valeurs que nous partageons et de la manière dont nous pouvons lutter pour faire triompher la démocratie et les droits humains. » D’après la presse allemande, par son alignement sur la droite latina et l’UE, Boric « a sauvé le Sommet ».

Autre blocage prévisible : « Nous prenons note des travaux en cours entre l’UE et le Mercosur », se contente de pointer le communiqué final. Par rapport aux prémices, les positions n’ont pas évolué pas pendant le Sommet. Là encore, Lula résume la situation : « Nous allons devoir apprendre qu’en matière de négociation, nous n’obtenons pas tout ce que nous voulons, mais que nous ne cédons pas non plus sur tout ce que l’autre partie veut. Nous nous mettons d’accord sur ce qui est possible. C’est ce que je suis prêt à faire, c’est ce que le Mercosur est prêt à faire et c’est ce qui se passera. »

Il est de bon ton de dire que de tels sommets n’accouchent que de souris. Dans le cas présent, ce n’est que partiellement vrai. Côté UE, on a repris langue avec une partie du monde que, multilatéralisme oblige, il serait néfaste de négliger et dont il serait absurde d’être exclu. Côté latino-américain et caraïbe, on note avec satisfaction la tonalité de la déclaration finale. Il n’est pas si fréquent qu’un conclave tenu avec les Eurocrates rappelle la résolution de l’ONU enjoignant la levée du blocus imposé à Cuba ; critique le maintien de l’île, par Washington, sur la liste des Etats soutenant le terrorisme ; s’oppose aux lois extraterritoriales ; désigne les pays latinos et caraïbes comme appartenant à une Zone de paix ; réaffirme les principes de souveraineté, d’autodétermination, de non-intervention dans les affaires qui relèvent principalement de la compétence nationale des Etats et de non-recours, dans les relations internationales, à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ; revient sur le soutien sans réserve au processus de paix en Colombie et, notamment, à la mise en œuvre intégrale de l’accord de paix de 2016 conclu entre le gouvernement colombien et les FARC-EP ; évoque une réforme du système financier international ; offre « une victoire diplomatique historique » à Buenos Aires, d’après le président Alberto Fernández, en mentionnant l’appui historique de la CELAC « sur la question de la souveraineté des Iles Malouines » occupées par la Grande-Bretagne et revendiquées par l’Argentine. « Merci, le Brexit », sourient les latino-américains…
Seul un pays n’a pas signé ce communiqué final : le Nicaragua. En cause, le point 15, sur la « guerre contre l’Ukraine ». Mais aussi le fait que les Européens ont mis leur veto sur deux des propositions de Managua. La première : une mise en cause des sanctions contre Cuba, le Venezuela et le Nicaragua. Si l’exigence d’une levée du blocus contre Cuba a bien été retenue, note Managua, « ils n’ont pas accepté de mettre le Venezuela ni le Nicaragua. » Pas plus qu’il n’a été demandé aux Etats-Unis, comme le souhaitaient les sandinistes, de respecter la sentence de la Cour Internationale de Justice de La Haye (27 juin 1986) et d’indemniser (17 milliards de dollars) le Nicaragua pour les « actes de terrorisme » (activités militaires et paramilitaires) commis contre lui par Washington dans les années 1980.

Pour mémoire, on notera qu’à l’ombre du Sommet, s’est déroulée une réunion sur la crise au Venezuela. Y participaient la vice-présidente Delcy Rodríguez et le représentant d’une partie de l’opposition Gerardo Blyde, mais aussi les présidents Macron, Lula, Petro, Fernández, ainsi que le Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères Josep Borrell. De cette rencontre qui a prôné « une négociation politique débouchant sur l’organisation d’élections équitables pour tous », s’accompagnant d’une « levée des sanctions » (sans préciser quand), on notera que, quand bien même elle serait portée par les meilleures intentions, elle demeure un chapelet de vœux pieux dans la mesure où le seul pays susceptible de lever les dites sanctions, les Etats-Unis, en était totalement absent et s’en désintéresse complètement.
Si l’on excepte la reconnaissance de Delcy Rodríguez comme vice-présidente légitime de la République bolivarienne, une victoire pour Caracas, le seul résultat tangible de l’événement est donc que les participants feront à nouveau « le point » lors du Forum de Paris sur la Paix du 11 novembre 2023.
On ne pourrait que se féliciter de l’implication croissante du président Macron dans une « tentative de résolution de la crise vénézuélienne » si, alors qu’il prônait une négociation saine et respectueuse face à Delcy Rodríguez et aux présidents de gauche latino-américains, il n’avait chaudement félicité Gabriel Boric, lors d’une rencontre à Paris, le 21 juillet, pour sa condamnation des atteintes aux droits de l’Homme au… Venezuela. Ce n’est plus du « en même temps », c’est du « je joue cyniquement sur tous les tableaux ».


De façon aussi symbolique que significative, un certain nombre de chefs d’Etat – Miguel Díaz Canel, Gustavo Petro, Luis Arce –, une vice-présidente – Delcy Rodríguez – et deux ministres des Affaires étrangères – Alicia Bárcena (Mexique), Iván Gil (Venezuela) – sont passés à un moment ou à un autre, et en particulier lors de sa clôture, à la « Cumbre de los Pueblos » (Sommet des Peuples). Ce chaud Forum a été organisé, également à Bruxelles, à l’initiative d’une centaine de collectifs, organisations populaires et sociales ainsi que partis politiques latino-américains et européens – représentés, entre autres, pour ces derniers, par Jean-Luc Mélenchon (LFI ; France), Raoul Hedebouw et Peter Mertens (Parti des travailleurs ; Belgique), Sandra Pereira (Parti communiste ; Portugal).
Les interventions des hauts dirigeants échappés du Sommet officiel et, dans le contexte de cette « Cumbre », beaucoup plus « libres » de parole, ne se sont en rien démarquées du ton très offensif de cette base que certains qualifieraient de « radicale », bien que n’étant en rien excessive. Elle aussi a délivré sa déclaration finale. Condamnant « les campagnes médiatiques visant à déstabiliser les gouvernements démocratiquement élus par leurs peuples en Amérique latine et dans les Caraïbes », pointant du doigt l’ingérence de l’impérialisme étatsuniens et de ses collaborateurs dans le renversement des gouvernements populaires, celle-ci a de plus stigmatisé le blocus contre Cuba, rejeté les mesures coercitives américaines contre le Venezuela et le Nicaragua, et répudié la politique de l’UE les approuvant.

Depuis en bas cette fois, mais en phase avec le sommet, une pierre de plus dans la revendication d’autonomie de l’Amérique latine et dans sa recherche d’une coopération avec l’UE, mais en condition de transparence, de respect et d’égalité.

Global Gateway

Telle qu’elle a été présentée, l’initiative « Global Gateway » impliquerait l’investissement de l’UE dans (environ) 130 projets aussi divers que (liste indicative, au conditionnel et non exhaustive) :

  • Argentine  : chaînes de valeur pour les matières premières essentielles (lithium et cuivre) ; production d’énergie renouvelable ; efficacité énergétique ; bio-économie.
  • Belize  : mini-infrastructures pour les communautés indigènes ; crédits pour les PME, les micro-entreprises et les agriculteurs
  • Bolivie  : exploitation du lithium.
  • Brésil  : prévention de la déforestation en Amazonie ; télécommunications, également en Amazonie ; promotion d’une bio-économie durable ; financement d’initiatives énergétiques vertes et promotion de l’hydrogène vert.
  • (Iles de la) Caraïbe (en général) : énergie solaire et éolienne ; lutte contre les pénuries d’eau ; adaptation au changement climatique ; lutte contre la pollution de l’océan.
  • Chili  : chaînes de valeur des matières premières essentielles (lithium, cuivre) ; production de carburants neutres en carbone (hydrogène vert).
  • Colombie  : production d’hydrogène vert et d’énergies renouvelables ; augmentation de la connectivité Internet ; contribution à la ligne 2 du métro de Bogotá.
  • Costa Rica  : pêche et agriculture durables ; électrification des transports publics.
  • Cuba  : industrie biotechnologique ; centrales éoliennes et solaires afin d’augmenter la production d’électricité.
  • Equateur  : extension et amélioration des systèmes d’assainissement et d’eau potable ; système andin d’interconnexion électrique.
  • Guatemala  : lutte contre la contamination des bassins hydrographiques ; maintien de l’approvisionnement en eau de la capitale Ciudad Guatemala.
  • Guyana  : soutien à la sylviculture, au traitement de l’eau et à la fabrication d’équipements sanitaires.
  • Haïti  : soutien à l’éducation.
  • Honduras  : construction d’un barrage pour production d’énergie durable.
  • Jamaïque  : rénovation urbaine ; gestion des déchets ; micro-entreprises ; réseaux G-5.
  • Mexique : développement de parcs industriels et de chaînes de valeur de l’économie verte.
  • Panamá  : projets de transition énergétique.
  • Paraguay  : plantation forestière ; nouvelle usine de pâte à papier ; modernisation du réseau de distribution d’électricité.
  • Pérou  : tourisme « durable » ; plans d’interconnexion électrique ; amélioration de la mobilité urbaine.
  • République dominicaine  : infrastructures de transport urbain ; gestion de l’eau et des déchets.
  • Salvador  : cofinancement du train du Pacifique et de la première ligne du métro de San Salvador.
  • Trinité-et-Tobago  : collecte et traitement de l’eau ; soutien à la transition numérique.
  • Uruguay  : production d’hydrogène renouvelable ; adaptation de l’infrastructure du port de Montevideo.
  • Venezuela  : programme de réduction des émissions de dioxyde de carbone et de méthane dans les raffineries et les puits de pétrole de la province pétrolière et gazière de Monagas (est du pays).

Avec Inter Press Service – https://ipsnoticias.net/2023/07/america-latina-y-la-ue-casi-unanimes-al-cerrar-su-cumbre/

Illustrations : Conseil de l’Union européenne




[1Acronyme reprenant l’initiale des « géants du net » : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft.

[2A l’origine, le Groupe de Lima comprend l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Panamá, le Paraguay, le Pérou, le Guyana et Sainte-Lucie.

[3Comisión Económica para América Latina y el Caribe (CEPAL), Oportunidades para la inversión y la colaboración entre América Latina y el Caribe y la Unión Europea (LC/TS.2023/78), Santiago, 2023 – https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/48984/3/S2300118_es.pdf

[4Christophe Ventura, Géopolitique de l’Amérique latine, IRIS et Editions Eyrolle, Paris, 2022.

[5Les BRICS n’ont pas finalisé la documentation définissant les principes et critères permettant d’accueillir de nouveaux membres. Un tel document pourrait être prêt et présenté lors du Sommet de l’organisation, en Afrique du Sud, en août. Alors que trente pays ont déclaré leur intention de rejoindre le bloc, vingt demandes d’adhésions ont été enregistrées.

[7Lire « Les petits télégraphistes du coup d’Etat qui n’existe pas » (4 février 2020) – https://www.medelu.org/Les-petits-telegraphistes-du-coup-d-Etat-qui-n-existe-pas

[9Lire « OTAN, suspends ton vol » (14 mars 2022) – https://www.medelu.org/OTAN-suspends-ton-vol

[12Sur l’argumentation des opposants à l’Accord, lire : https://www.collectifstoptafta.org/IMG/pdf/dossier_militant.pdf

[13L’Accord de Paris est un traité international juridiquement contraignant sur les changements climatiques. Il a été adopté par 196 Parties lors de la COP 21, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques tenue à Paris, le 12 décembre 2015. Il est entré en vigueur le 4 novembre 2016.

[15Montrant un fort empressement à voir affluer les investissements étrangers, l’Uruguay fait bande à part et souhaite depuis longtemps s’extraire des règles du Mercosur, qui impliquent des négociations « en bloc », pour signer des accords bilatéraux.

[16Outre le Sommet proprement dit, la réunion de la « société civile » a eu lieu les 14 et 15 juillet, sans grandes répercussions ; une table ronde des entreprises, le 17 ; une rencontre des ministres de l’Economie se tiendra à Saint-Jacques-de-Compostelle le 15 septembre.

[17L’Amérique latine a été représentée par vingt-et-un chefs d’Etat – Argentine, Bahamas, la Barbade, Belize, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, Dominique, République dominicaine, Equateur, Guyana, Haïtí, Honduras, Jamaïque, Paraguay, Saint-Christophe-et-Niévès, Surinam, Uruguay – , deux vice-president(e)s – Panamá, Venezuela –, huit ministres des Affaires étrangères – El Salvador, la Grenade, Guatemala, Mexique, Nicaragua, Pérou, Sainte-Lucie, Trinité et Tobago.



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