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L’« Horreur chaviste »

samedi 18 février 2012   |   Jean Ortiz
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Alors qu’en France Total a réalisé 12 milliards d’euros de profits en 2011 pour engraisser actionnaires, spéculateurs et nantis, le "dictateur" vénézuélien Hugo Chavez utilise la rente pétrolière au service du progrès social, de l’inclusion sociale et d’une redistribution plus équitable des richesses [1].

Je me souviens de ces banderoles, dans les quartiers pauvres de Caracas (les barrios), qui proclamaient : "Maintenant le pétrole arrive dans les écoles, les dispensaires, les centres sociaux...". Quelle horreur : sortir les gueux de leur condition de parias ! Chacun à sa place Comandante !

Pour contourner un Etat encore "bourgeois" et corrompu, et qui résiste aux changements, le "dictateur populiste" a mis en place des "missions sociales" d’urgence afin de combattre la pauvreté ; assurer un statut aux milliers de petits vendeurs ambulants et leur permettre l’accès à la Sécurité sociale ; aider les jeunes mères célibataires ; garantir un minimum vieillesse aux damnés de la terre. Egalement promouvoir la médecine gratuite, des programmes éducatifs en direction de toutes les couches de la population, aider les enfants des rues et les handicapés, ouvrir des supermarchés populaires à prix cassés. Sans parler de la mise en place de conseils communaux élus (structures d’autogestion) qui font régner la terreur du "pouvoir populaire" et de la "démocratie participative" dans les quartiers, les villages...

De source ONU (CEPAL), on apprend que la pauvreté au Venezuela a chuté de 49,4% de la population en 1998 à 27,8% aujourd’hui. Le pays est devenu le moins inégalitaire d’Amérique latine. Pure propagande totalitaire ! Chavez arrose les pauvres à des fins électorales et les rend "visibles" pour les touristes. Quel gaspillage d’argent public ! Rien pour les riches, non de Dieu, qui sont pourtant des citoyens à part entière et de "civilisation supérieure" ! Que chacun reste à sa place et la rente pétrolière sera bien gardée. Pourquoi la dilapider ?

Les prisons sont pleines d’opposants et d’amis de BHL ; le sang coule dans les rues de Caracas. Les petits marchands en font du boudin caraqueño qu’ils vendent dix bolivars. La droite française et ses scribouillards paillettes-serviles s’insurgent. La gauche hollandaise et nombre d’intellos ont peur de la contagion "populiste" ; il veillent sur le respect des libertés et des droits de l’homme à Caracas.
La gauche-gauche, elle, est partagée. Une partie s’engage (nous en sommes) ; l’autre hésite. Et si c’était une resucée de soviétisme ? Elle observe cet objet politique non identifié, non breveté "Made in Occident", ce putain de "socialisme du 21ème siècle", ce curieux mélange... Attention aux mots ! Ne le nommons pas encore. Il ne correspond pas à nos grilles de lecture, à nos schémas. Ce n’est pas "la révolution" ajoutent les puristes. Et puis Chavez est impulsif, militaire, zambo (métis). Il se trompe parfois en matière de politique internationale, j’en conviens.

Observons l’élection présidentielle d’octobre 2012 pour voir s’il la gagne démocratiquement. Et puis nous aviserons. L’internationalisme de jadis, la solidarité - sans aveuglement ni inconditionnalité - attendront jusqu’en novembre. Une fois de plus, malheureusement, notre euro-centrisme, notre frilosité, peuvent nous conduire à regarder les trains passer. NON, NON et NON !

Les barricades, comme disait Elsa Triolet, n’ont que deux côtés. Washington a déjà choisi le sien, et il arrose, il arrose... les siens, les siens de garde du néolibéralisme en péril.




[1Lire « Au Venezuela, Hugo Chavez multiplie les programmes sociaux pour les pauvres », Le Monde, 14 février 2012.



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