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Libre-échange mondial :
le dossier de « L’Humanité dimanche »

mercredi 16 avril 2014   |   Christophe Ventura
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Comment les transnationales veulent dominer le monde ? Ce dossier de L’Humanité dimanche propose les analyses de Dominique Bari, de Susan George, de François Leclerc, de Dominique Sicot et de Christophe Ventura sur les enjeux du Grand marché transatlantique et du Partenariat transpacifique.

Dans sa contribution consacrée à ce dernier, Christophe Ventura présente l’autre machine de guerre de Barack Obama qui vise l’Asie et l’Amérique latine.

Retrouvez l’intégralité du dossier « Traité transatlantique de commerce et d’investissement. Comment les transnationales veulent dominer le monde ? » dans L’Humanité dimanche, n°407, 10-16 avril 2014 (Voir PDF ci-dessous).

L’Amérique latine face au défi du Partenariat transpacifique

Par Christophe Ventura, rédacteur en chef du site Mémoire des luttes

 

Le Partenariat transpacifique (PTP) [1] constitue le projet de création de la plus vaste zone de libre-échange au monde. Impulsées par les Etats-Unis, les négociations officielles de cet accord « méga-régional » ont démarré en 2011. Les douze pays impliqués [2] dans ce processus pèsent le tiers du commerce mondial et 40% du PIB mondial. Trois d’entre eux - dotés d’une façade Pacifique - sont les pays latino-américains favorables aux intérêts de Washington dans la région. Il s’agit du Chili, du Mexique et du Pérou qui, parallèlement, ont fondé avec la Colombie [3] l’Alliance du Pacifique en 2012 pour faire contrepoids aux gouvernements progressistes latino-américains et à leurs initiatives d’intégration régionale (Alba et Unasur notamment). Cette Alliance se construit également comme un espace potentiellement concurrent du Mercosur, et donc du Brésil, tant sur le plan économique que géopolitique.

Le PTP s’inscrit dans une stratégie de redéploiement des Etats-unis dans la région Asie/Pacifique. Il s’agit essentiellement d’endiguer l’expansion économique et commerciale de la Chine dans une région qui représente d’ores et déjà 40 % du commerce mondial et 35% du PIB mondial. Washington voudrait imposer le PTP comme le véritable bras armé économique de sa politique du « pivot asiatique ».

Outre sa batterie de mesures de libéralisation commerciale qui détruiront des secteurs entiers d’activité (comme l’agriculture dans plusieurs pays du Sud) et attiseront la concurrence entre les travailleurs, le PTP offrira un pouvoir accru - jamais égalé auparavant - aux entreprises transnationales face aux Etats. Il leur permettra de faire appel à des tribunaux d’arbitrages privés pour s’opposer à des gouvernements qui remettraient en cause la primauté du droit des investissements sur tout autre.

Toutefois, la conclusion des négociations espérée par Barack Obama au printemps reste incertaine. Des désaccords subsistent entre partenaires. Ainsi, le Japon refuse d’ouvrir certains pans de son agriculture et des oppositions s’expriment sur les questions environnementales. Pour sa part, le Sénat américain - dont la majorité est démocrate - s’invite dans le débat pour contrarier les plans du président états-unien. Une coalition hétéroclite composée d’élus démocrates, républicains et libertaires-libertariens du « Tea Partiers » refuse, pour des raisons contradictoires, de donner à Barack Obama la possibilité de soumettre pour ratification ou rejetce texte négocié en toute opacité au Congrès sans que ce dernier puisse l’amender (procédure dite du « fast track », de son nom officiel Trade Promotion Authority-TPA).

Vingt-cinq entreprises de Silicon Valley, en pointe dans le secteur des technologies et d’Internet, rejoignent également la fronde au nom de la lutte contre l’extension des logiques et des droits de « copyrights » des entreprises sur la Toile. Elles s’opposent par exemple au fait que le PTP donnerait le droit aux fournisseurs d’accès de couper l’accès à internet aux usagers qui violeraient les dispositions de l’accord relatives à ce domaine. Du point de vue des « start-up » californiennes, le PTP restreindra la liberté sur Internet et affectera l’innovation et leurs perspectives de développement sur un Internet ouvert.

Les embûches se multiplient sur le chemin du PTP, mais quoi qu’il en soit, ce projet constitue un défi sérieux pour l’Amérique latine en activant les logiques affinitaires entre gouvernements du sous-continent autour de la question des alliances avec Washington.

 

L’auteur a consacré plusieurs articles à l’analyse du PTP. Lire « Coup d’arrêt aux accords de libre-échange « méga-régionaux » impulsés par les Etats-Unis » ou « Le Partenariat transpacifique, nouvel outil de l’hégémonie de Washington ».

 




[1Trans-Pacific Partnership (TPP) en anglais.

[2Il s’agit, outre les Etats-Unis, de l’Australie, du Brunei, du Canada, du Chili, du Japon, de la Malaisie, du Mexique, de la Nouvelle Zélande, du Pérou, de Singapour, du Vietnam. La Corée du Sud a confirmé son intention de rejoindre cet ensemble.

[3Bogota a exprimé son souhait d’intégrer à son tour les négociations.



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