« Nous sommes prêts à négocier sans pré-conditions [et à] discuter de tout à la table des négociations ». Ces mots [1] prononcés jeudi 5 janvier par Tamas Fellegi, ministre hongrois en charge des discussions avec le FMI et la Commission européenne - dont l’objectif est d’arriver à un accord permettant au pays d’accéder à de nouveaux prêts financiers - traduisent l’affaiblissement de Viktor Orban face à la crise monétaire, financière et économique et aux marchés financiers qui assaillent le pays.
Désormais, les mâchoires de ces derniers enserrent le pays magyar. La note de sa dette souveraine a été dégradée en quelques semaines par les trois agences de notation Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings. Dégradé dans la « catégorie spéculative », il doit subir une forte augmentation des taux d’intérêts sur ses titres obligataires.
Malgré ses récentes annonces sur la « régulation » de la Banque centrale nationale [2], l’heure est bien à la recherche d’une détente avec l’UE et les institutions internationales pour l’enfant terrible de la politique hongroise élu à la tête de l’Etat mai 2010.
Pris entre la pression des marchés et l’effritement de la valeur du forint (la monnaie nationale) face à l’euro, le gouvernement hongrois fait face à une situation qui rend toujours plus difficile le remboursement de la dette du pays [3] et celui du premier prêt (26 milliards d’euros) contracté en 2008 auprès du FMI et de l’Union européenne par l’ancien gouvernement.
Comme tous les pays européens, la Hongrie est condamnée à se financer - aujourd’hui à des taux difficilement supportables - sur les marchés pour financer sa dette. Elle doit mobiliser près de 5 milliards d’euros dans les prochains mois pour couvrir ses besoins immédiats.
Relancées en novembre 2011, puis de nouveau suspendues le 16 décembre par le FMI et l’UE après que le gouvernement ait annoncé son projet de réforme de la Banque centrale, les discussions portant sur un possible nouveau financement de 15 à 20 milliards d’euros reprendront finalement, de manière « informelle » à cette étape, au siège du FMI à Washington à partir du 11 janvier.
« La Hongrie de Viktor Orban est l’un de ces laboratoires où s’expérimente l’émergence de nouveaux régimes politiques paradoxalement basés sur le passage à droite de la contestation populaire contre l’ordre économique, politique et social dans nos sociétés européennes confrontées à la crise économique et financière et à l’érosion – à l’effondrement dans le cas hongrois – de la social-démocratie et de la « gauche » en tant que projet politique alternatif, mais également d’alternance » (Qui est Viktor Orban ?) écrivions-nous il y a quelques mois.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Viktor Orban est-il un adversaire de la démocratie ? Est-il un dirigeant rebelle face au capitalisme financier ? Quel est son projet pour une société hongroise traversée par une crise majeure ? Pourquoi reste-il une figure populaire malgré l’effritement notable de sa popularité ?
Nous publions quatre articles d’auteurs, hongrois ou résidents dans ce pays, qui offrent des éléments de réponse et ouvrent des pistes de réflexion et de débat sur le modèle Orban.
Dans deux d’entre eux, « Viktor Orbán ou la revanche de la « vraie » Hongrie » et « La Hongrie sous le signe de Dieu, officiellement… », Corentin Léotard revient sur le parcours de l’actuel premier ministre depuis la fin des années 1980 et s’intéresse à la collusion - institutionnellement assumée dans la nouvelle Constitution du pays - organisée entre l’Etat et les communautés religieuses, ainsi qu’aux ressorts idéologiques et historiques du modèle Orban.
Pour sa part, Vincze Szabop tentep, dans « Bienvenue en Orbanistan ! », d’inscrire l’émergence de cette expérience politique dans l’histoire hongroise depuis les années 1990 et s’interroge sur le rôle de l’Union européenne dans cette dernière.
Enfin, dans « Contre Orbán, oui ; avec l’étranger, non ! », Gáspár Miklós Tamás constate que « la Commission européenne et le FMI ont imposé délibérément des conditions impossibles à respecter pour le gouvernement hongrois ». Et de s’interroger sur la capacité de ces institutions à réellement contribuer à renforcer la démocratisation du pays.