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Sommet de Copenhague

Nous sommes tous coupables de la dégradation de la planète

vendredi 11 décembre 2009   |   Eduardo Galeano
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Alors que 120 chefs d’Etat et de gouvernement, dont Nicolas Sarkozy, sont attendus ce jeudi 17 décembre pour les deux dernières journées du Sommet de Copenhague, tout semble confirmer qu’aucun accord à la hauteur des enjeux ne sera conclu sur place.

Tractations, petits gestes et vagues promesses ne suffiront certainement pas à compenser le poids des obstacles structurels. Les pays industrialisés ne veulent pas d’un accord contraignant en matière de réduction d’émission des gaz à effet de serre (GES) - dont le niveau reste un sujet de débat important entre les différents acteurs - qui ne s’imposerait pas aux pays du Sud. Ces derniers refusent un tel diktat et demandent le respect du Protocole de Kyoto comme unique cadre juridique international valable, ainsi que des engagements contraignants, en premier lieu pour les pays riches.

Les Etats-Unis, pour leur part, (alors que Barack Obama interviendra le 18 décembre au Sommet) rejettent toujours ce Protocole de Kyoto et se refusent à aller plus loin que leur proposition dérisoire en matière de réduction de leurs émissions. De son côté, la Chine, tout en annonçant des efforts, refuse d’accepter des contraintes si les Etats-Unis ne s’engagent pas dans le Protocole. De même, elle s’oppose à voir ses politiques nationales de lutte contre le réchauffement faire l’objet de contrôles internationaux. La Chine s’est engagée à réduire ses émissions polluantes par point de PIB de 40 à 45 % d’ici à 2020 par rapport à 2005 mais cette offre signifie tout de même un doublement potentiel de ses émissions de GES en 2020 par rapport à 2005 si sa croissance économique est, sur la période, de 8 % par an. Le Japon, lui, a fait savoir qu’il pourrait réfléchir à sortir du Protocole.

Enfin, l’aide financière des pays riches vers les pays en développement reste largement insuffisante : 15 milliards de dollars du Japon et 10,5 milliards de dollars de l’Union européenne d’ici 2012 (la période à couvrir est 2012-2020). Les Etats-Unis ne proposent, eux, qu’une contribution (le chiffre de 1,2 milliards de dollars par an circule sans certitude à cette heure) dans le cadre d’un financement mondial estimé à 100 milliards. Enfin, ils proposent, avec le soutien de l’Australie, de la France, du Royaume-Uni, du Japon, et de la Norvège, 3,5 milliards de dollars pour un plan de lutte contre la déforestation.
Dans ce contexte, les signes de tension se multiplient aussi bien à l’intérieur du Bella Center, le centre des négociations, que dans les rues de la capitale danoise. La démission, mercredi 16 décembre, de la ministre danoise Connie Hedegaard de la présidence de la conférence, suite au tollé provoqué par sa tentative de diviser des pays du Sud en négociant un texte, inconnu d’une grande partie d’entre eux, avec des groupes de pays a traduit la première expression de fébrilité des organisateurs du Sommet.

La réduction subite et drastique des accréditations pour les ONG et les mouvements sociaux dans l’enceinte du Bella Center et la multiplication des arrestations arbitraires (plus de 1 500 personnes depuis le début du Sommet dont, ces dernières heures, Tadzio Muller, porte-parole de la coalition des ONG Climate Justice Action et Nicolas Haeringer, membre du comité de rédaction de la revue Mouvements) et des pressions sur les militants venus du monde entier trahissent cette nervosité accrue des organisateurs et des autorités.

Mais une nouvelle fois, c’est de l’un des pays du Sud qu’est venu hier l’évènement politique. S’appuyant sur la Déclaration spéciale des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) sur le changement climatique, adoptée le 14 décembre à La Havane lors de son VIIIème Sommet, et dont nous publions ici l’intégralité, ainsi qu’une traduction en français, le président vénézuélien, Hugo Chavez, a fustigé, dans un discours qui a été le plus applaudi depuis l’ouverture du Sommet, le capitalisme qui dévaste la planète. Après avoir rappelé que « les 500 millions de personnes les plus riches, qui représentent 7 % de la population mondiale, sont responsables de 50 % des émissions mondiales, alors que les 50 % des plus pauvres ne sont responsables que de 7 % des émissions  », il a affirmé que « le modèle destructeur du capitalisme, c’est l’éradication de la vie ».

En brandissant à la tribune la traduction en espagnol du livre du journaliste français Hervé Kempf, intitulé Comment les riches détruisent la planète, le président vénézuélien s’est exclamé à l’intention des gouvernements du Nord : « Si le climat était une banque, vous l’auriez déjà sauvé ! ».

C’est aujourd’hui au tour du président bolivien, récemment réélu, Evo Morales, d’intervenir en session plénière. Il devrait, à son tour, défendre les propositions de l’ALBA comme, par exemple, celle affirmant que « les pays développés doivent consacrer 6 % de leur PIB aux pays en développement en apportant une contribution mesurable (…) en vue du paiement total de leur dette climatique. »

La Bolivie défend également la mise en place d’un tribunal climatique mondial et la reconnaissance des droits de la Mére-Terre, la Pachamama. Une résolution défendant ces derniers vient d’être adoptée par la deuxième commission des Nations Unies, en vue d’initier un large débat au sein de la communauté internationale sur une vie plus harmonieuse et plus respectueuse de l’environnement.





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