La campagne électorale pour l’élection présidentielle suit son cours au Venezuela. Le président Hugo Chávez laisse sporadiquement la place au candidat Hugo Chávez lors de ses déplacements dans les provinces du pays. Ces grands meetings attirent des foules immenses de sympathisants et militants. Pourtant, dans certains Etats où la gestion chaviste est défectueuse, Hugo Chávez prend bien soin de prendre ces distances avec les élus locaux : « Je suis celui qui critique le plus notre gouvernement » s´exclamera-t-il dans l’Etat d´Anzoátegui, où la popularité de Tarek William Saab, gouverneur chaviste de cette région côtière, n´est pas au beau fixe. Même scénario dans l´Etat voisin de Sucre où le gouverneur, pourtant membre du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) était aux abonnés absent lors du discours du Comandante dans la capitale régionale. Le peuple révolutionnaire soutient son président avant tout. Il n´empêche, il s´agit là d´un message clair adressé au PSUV, en vue des prochaines élections municipales et régionales [1].
Lors de ses prises de parole, Hugo Chavez invite ses partisans à ne pas tomber dans le triomphalisme et à continuer de convaincre les indécis de la pertinence du programme socialiste [2]. Le 23 août, depuis la ville de Cumaná, il a aussi annoncé avoir des renseignements confirmant la volonté de l´opposition de substituer ses propres chiffres aux résultats officiels du Conseil national électoral (CNE) au soir du scrutin.
Le comportement démocratique de l´opposition reste la grande incertitude de cette élection. Pour parer à toute tentative de déstabilisation, Hugo Chávez se doit de gagner avec une large majorité.
Pour ce faire, il a fait un appel du pied à la classe moyenne et au patronat local, afin d´élargir sa base électorale. Face au modèle néolibéral défendu par la droite vénézuélienne, il leur rappelle la politique que le gouvernement a déployée en leur faveur. Le 17 août, lors d´une présentation des avancées du gouvernement en matière de construction de logements urbains, le président a lancé un plan incorporant la classe moyenne à la Gran Misión Vivienda Venezuela [3] : facilités de crédits à faibles taux, suppression de la TVA sur les biens immobiliers, et financement public jusqu´à 10 % du prix de l´appartement. Il ne s´agit pas là d´une simple offre électorale. Le gouvernement bolivarien a toujours tenu compte de la classe moyenne dans l´élaboration de ses politiques publiques. Néanmoins, la pauvreté ayant chuté de 55 % à 27% au cours des 14 années de gestion socialiste, la conquête des classes moyennes est devenue un enjeu important, et la droite n´entend pas se laisser ravir sa base électorale.
La grande force de Capriles Radonski est de réussir à mener campagne sans parler de son programme [4]. Ses discours évitent de prendre des positions politiques tranchées et se résument à des injonctions creuses et à des critiques du gouvernement. Il est vrai que s’il assumait pleinement la teneur néolibérale de son projet de gouvernement, plusieurs de ses sympathisants préfèreraient certainement se réfugier dans l´abstention ou rejoindre le camp chaviste. Comme le montre une récente étude, la droite bénéficie surtout d’un grand déséquilibre médiatique en sa faveur. La campagne de son candidat dispose du soutien sans faille des média commerciaux. Comme le révèle ce rapport, 82 % des articles sur Capriles que publie la presse commerciale sont positifs. En revanche, ce chiffre tombe á 26 % lorsque les journalistes parlent d´Hugo Chávez [5].
Alors qu’il reste à peine un mois avant l’élection, cette campagne reste marquée par une certaine morosité. Le camp socialiste reste quelque peu prisonnier des sondages qui le donnent largement vainqueur, et mise sur la continuité du processus bolivarien, sans pouvoir jouer sur les peurs que susciterait la fin des missions sociales dans le cas où la droite gagnerait. Il y a peu de mobilisations en dehors des déplacements du candidat Hugo Chávez. L’opposition, quant à elle, ne décolle pas vraiment. On la voit davantage sur les écrans et les journaux que dans la rue. Elle est même victime de querelles internes derrière son unité de façade.
Samedi 25 août, 2 h du matin. Une fuite de gaz déclenche une explosion dans un complexe pétrolier situé à Amuay dans l´Etat de Falcon, au nord ouest du pays. Le bilan est tragique : 58 morts, 86 blessés, les logements aux alentours sérieusement endommagés. Le président vénézuélien, qui revenait d´une rencontre avec des familles sinistrées après le passage du cyclone Isaac, déclare trois jours de deuil national et annonce qu´une enquête sera menée lorsque l´incendie sera maitrisé pour déterminer les causes de l´explosion.
L´opposition n’entend pas attendre les conclusions de l’enquête et dénonce d´emblée une responsabilité politique et un manque de maintenance dans les équipements pétroliers. Peu importe que PDVSA ait consacré 4,8 milliards de dollars au cours des cinq dernières années pour consolider les installations de la raffinerie, l’opposition a déjà trouvé ses coupables. Il n´est pas sûr que cette position belliqueuse la favorise dans les urnes. Le pays est en deuil et les Vénézuéliens voient d´un mauvais œil ce genre de comportement électoraliste. Il n´empêche, le drame d´Amuay représente un tournant dans la campagne.
Deux mois auparavant, le 28 juin 2012, Oscar Schémel, président de l´institut de sondages Hinterlaces avait déclaré : « Seule une suite d´événements extraordinaires, qui occasionnerait une commotion publique, pourrait modifier les résultats actuels et réduire la brèche » [6] entre Chávez et Capriles. L´opposition a bien saisi le message et joue son va-tout électoral dans l´exploitation de la tragédie d´Amuay.