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La « troïka de la tyrannie » ou la nouvelle métaphore de l’ingérence des Etats-Unis en Amérique latine

mercredi 28 novembre 2018   |   Christophe Ventura
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Jeudi 29 novembre 2018, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, se rendra au Brésil pour rencontrer le prochain président du pays, Jair Bolsonaro.

Il s’agit d’une première et d’un événement qui confirment le retour marqué des Etats-Unis dans la région. Pendant ce temps, le chef de M. Bolton, Donald Trump, sera quant à lui à Buenos Aires (Argentine) pour la réunion du G 20 (30 novembre).

« Nous partageons de nombreux intérêts bilatéraux et travaillerons étroitement ensemble pour propager la liberté et la prospérité dans l’Hémisphère Ouest » (ce qui signifie l’ensemble du continent américain dans le langage de Washington). C’est ainsi que John Bolton présente l’enjeu de son voyage au Brésil à travers son compte Twitter.

Le conseiller est l’homme qui vient de théoriser l’existence d’une « troïka de la tyrannie » (novembre 2018) en Amérique latine composée de Cuba, du Nicaragua et du Venezuela. Selon lui, le rôle des pays de la région serait de faciliter la chute des gouvernements de ces pays dans la perspective américaine du « Regime Change » (changement de régime), au nom de la démocratie et des droits de l’homme. Dans son discours introduisant cette menaçante notion, John Bolton a pris soin de préciser que les « Etats-Unis avaient hâte de voir » tomber ces gouvernements.

Une nouvelle fois, la politique d’ingérence et de déstabilisation des Etats-Unis se manifeste... et trouve un point d’appui explicite avec Jair Bolsonaro.

Ce dernier n’a eu cesse de menacer le Venezuela pendant sa campagne, de formuler l’idée selon laquelle les Brésiliens devaient choisir entre lui – le candidat de la liberté – et la gauche qui voulait transformer le géant régional en Venezuela.

Il a également évoqué la possibilité de rompre les relations diplomatiques du Brésil avec Cuba (ce serait inédit) et le Venezuela. Il a également remis en cause la présence de 8 500 médecins cubains présents au Brésil dans le cadre d’un programme lancé en 2013. Cuba a décidé de mettre fin au programme et de rappeler ses médecins. Près de 28 millions de Brésiliens ne bénéficieront plus de leurs services selon l’association des maires du Brésil.

Les formules élaborées par les Etats-Unis et leur emploi dans le discours public ne sont jamais un hasard, ni une rhétorique neutre. On se souvient de « l’axe du mal » de George W. Bush en 2002 et de ses conséquences.

John Bolton arrive avec des arguments pour se rapprocher du Brésil de Jair Bolsonaro : des promesses d’accords commerciaux privilégiés et protecteurs, en temps d’unilatéralisme trumpien. Le Brésil est un important fournisseur de matières premières de la première puissance mondiale.

Jair Bolsonaro a pour sa part envoyé de nombreux signaux vers Trump pendant sa campagne. Il affirme vouloir freiner la montée en puissance de la Chine en Amérique latine – laquelle est notamment fortement liée à Caracas et La Havane – et réaligner la politique étrangère de son pays vers les intérêts de Washington.

C’est de tout cela dont il sera question le 29 novembre, et tout est lié.

L’Amérique latine inaugure une période imprévisible qui pourrait y voir s’exacerber les tensions.

Sur le sujet, lire cet article (en anglais) très informatif publié sur le site Mc Clatchy DC Bureau, spécialisé sur la politique américaine : www.mcclatchydc.com/news/politics-government/white-house/article222042045





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